S’en sortir avec 12 $ de l’heure

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300 $. Voilà ce qu’il reste environ hebdomadairement dans les poches d’une personne qui travaille 30 heures par semaine au salaire minimum. Que ce soit par choix ou par nécessité, le constat demeure le même: les fins de mois sont difficiles.

Jean-Denis Lapointe et son conjoint travaillent tous les deux au salaire minimum pour une chaîne de restauration rapide. Il est rare qu’ils obtiennent plus de 30 heures de travail par semaine chacun.

«À deux avec seulement un salaire, on ne peut pas y arriver, on n’a pas le choix de travailler chacun de notre côté», confie Jean-Denis.

Bien qu’ils n’aient pas d’enfants à leur charge, leur budget doit être bien calculé afin d’arriver à payer toutes les factures, sachant que seulement pour se loger, ils doivent débourser 450 $ parmois. Tous deux amateurs de jeux vidéo, ils ne se privent toutefois pas, conscients qu’il faut se faire plaisir dans la vie. Cependant, cette petite dépense est la seule qu’ils se permettent mensuellement.

«Quand on travaille un peu plus, on se gâte en conséquence, mais il y a des semaines où je fais 30 heures et mon conjoint 15, on sait dans ce temps-là qu’il faut se serrer la ceinture. On achète le nécessaire, mais on ne se permet rien de trop dispendieux», souligne le jeune homme.

Jean-Denis a terminé ses études secondaires et a tentéplusieurs fois d’entreprendre ses études collégiales. Après avoir essayé la comptabilité, l’informa- tique et la restauration, il a décidéde prendre du temps pour réflé-chir à la suite. Aujourd’hui âgé de 23 ans, l’idée de retourner auxétudes lui trotte toujours dansla tête. Par contre, le manque d’argent et de confiance en son futur programme scolaire pèsent beaucoup dans la balance.

«Tant qu’à ne pas savoir ce que je voulais faire, je me suis dit que j’allais prendre mon temps. Je compte y retourner, pas nécessairement à court terme, mais c’est dans mes plans.»

Personnes seules

S’il est difficile de joindre les deux bouts en couple, la situation est encore plus précaire pour les célibataires à faible revenu.

Selon les données de la coordonnatrice de Loge m’entraide, Sonia Côté, les personnes seules représentent 90 % de ceux qui bénéficient de l’aide de l’organisme. Loge m’entraide se porte à la défense des droits des locataires à faible revenu et fait la promotion du logement social.

«Ce ne sont plus les couples ou les familles monoparentales qui sont le plus dans le besoin, maintenant ce sont les personnes seules qui sont les plus affectées. Joindre les revenus c’est une chose, mais tout seul c’est plus difficile.»

En plus de devoir surmonter les épreuves en solitaire, les personnes seules doivent aussi subvenir à leurs propres besoins, ce qui peut devenir rapidement difficile avec un salaire de 12 $ de l’heure. Le prix du logement à lui seul peut parfois emporter les derniers sous durement gagnés durant le mois.

«C’est à ce moment-là que l’organisme entre en jeu, c’est notre mission d’enlever un poids sur les épaules des personnes qui en ont de besoin. Les logements sociaux seraient l’accommodement idéal pour les gens dans cette situation», explique Mme Côté.

Samuel (nom fictif) est très sensible à la situation des gens à faible revenu. Il fait ce qu’il peut pour les aider, en commençant par être plus généreux lors de ses sorties au restaurant.

«C’est sûr que je suis sensible à la difficulté que les autres peuvent avoir financiè-rement. Aujourd’hui je redonne comme je peux, je donne des pourboires de 20 % parce que je sais ce que c’est, le milieu de la restauration», explique Samuel.

En effet, les premières années de sa vie n’avaient rien de rose. Alors qu’il était âgé de 15 ans, il a décidé de quitter le nid familial et a longtemps vécu avec les répercussions de ce geste. De l’itinérance où il tentait de survivre, il a rapidement eu une raison de «se redonner une vie».

«Ma fille est venue au monde. Je savais que je devais faire quelque chose pour elle. J’ai eu ma première vraie “job” à la Friperie d’Alma. Ma copine de l’époque n’avait pas de salaire, je devais mettre les bouchées doubles pour subvenir aux besoins de ma famille.»

Un lourd poids pesait sur les épaules de Samuel. Après sa séparation, sa situation s’est détériorée et il a enchaîné les emplois. Son chemin toujours instable l’a d’ailleurs mené à la dépression et même que parfois des pensées suicidaires s’installaient dans sa tête.

Après n’avoir trouvé de soutien nulle part, il a pensé se déclarer chômeur. Cette solution semblait être la seule option restante.

«J’ai été refusé pour un programme qui offrait les études parce que je n’étais pas au chômage. J’avais besoin d’aide, mais personne pour m’aider. Je n’étais pas prêt à vivre la déprime qu’entraîne les longues journées à la maison. Je ne savais plus quoi faire», admet-il, émotif.

Toutefois Samuel est retourné à l’école avec une grande détermination. Avec un enfant à sa charge, il ne pouvait cependant pas travailler durant cette période, c’est donc avec 725 dollars des prêts et bourses qu’il tentait de survivre durant cette période. Il y est toutefois parvenu et a réussi à obtenir son diplôme d’études professionnelles.

«J’ai souvent voulu abandonner, mais il faut persévérer pour obtenir ce qu’on veut dans la vie et je suis très fier d’être rendu là aujourd’hui.»

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