La seconde vie des objets | David v. Goliath: la survie face aux plateformes en ligne

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Le marché des objets de seconde main connaît une grande expansion sur le Web comme dans les canaux plus traditionnels. Photo: Olivier Savard

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Bouche-à-oreille, annonce papier, ventes de garage: des classiques depuis plusieurs années pour vendre ou acquérir un objet usagé, et pendant des décennies, généralement parmi les seules façons de s’y prendre, si une brocante ou une friperie n’étaient pas considérées. Les inconvénients majeurs? Le rayon limité – l’acheteur comme le vendeur est généralement confiné à sa région – ainsi que l’effort requis pour la transaction, proportionnel à la distance de l’item.

Depuis la fin des années 1990, un autre joueur s’est introduit dans l’arène avec l’arrivée de l’inforoute: les plateformes de vente en ligne. Leur démocratisation à la fin des années 2000 a permis aux gens de faciliter les transactions, et ce, à moindre coût. Les problèmes mentionnés plus haut? Virtuellement disparus. La question de la survie des canaux de vente de seconde main plus traditionnels peut donc sembler inévitable dans ce contexte: est-il possible de coexister avec ces géants, mais surtout, à quel point ont-ils changé la donne?

AUGMENTATION

Un simple coup d’œil aux chiffres peut surprendre. Ainsi, dans le rapport 2019 de l’Indice Kijiji de l’économie de seconde main, produit par l’Observatoire de la Consommation responsable (OCR), il est possible de voir que le nombre de transactions d’objets de seconde main a augmenté de beaucoup au Canada, tous réseaux confondus: 2.4 milliards d’objets furent échangés à travers le pays en 2018, une augmentation de 250 millions d’objets par rapport à 2014. En examinant le Québec et en reculant encore dans le temps, le grand nombre de transactions de seconde main sur les plateformes en ligne était déjà représentatif de leur succès à l’époque.

Ainsi, selon l’étude «Le point sur l’achat et la vente de produits d’occasion au Québec», réalisée en octobre 2013 par l’OCR, les Québécois avaient déjà adopté les plateformes Web pour l’économie de seconde main, puisque 58,6% des Québécois avaient acheté des produits d’occasion sur une plateforme en ligne dans l’année précédant l’étude. La vente n’était cependant pas aussi populaire, puisque 41,5% des Québécois avaient fait la vente de produits d’occasion dans l’année précédant l’étude, tous canaux confondus.

UNE PLATEFORME PARALLÈLE

Cependant, bien que les plateformes en ligne occupent une place importante dans l’économie de seconde main, le pourcentage de gens ayant acheté un objet d’occasion sur une plateforme en ligne se révèle supérieur au pourcentage des transactions totales de seconde main effectuées sur une plateforme en ligne. En d’autres mots, même si le nombre de gens ayant participé à l’économie de seconde main en achetant un objet usagé en ligne est élevé, la part de marché totale attribuée aux plateformes en ligne demeure inférieure.

Cela montre que les plateformes en ligne, bien qu’elles gagnent en importance, ne supplantent pas entièrement les canaux alternatifs, qui gagnent aussi en popularité, mais prennent plutôt une place parallèle. Les gens s’échangent des produits usagés en ligne, mais utilisent également d’autres canaux plus traditionnels en même temps. Une période d’adaptation pour certains canaux a cependant pu avoir lieu avec l’arrivée du numérique.

Suzie Verreault, gérante de la bannière Friprix à Chicoutimi depuis l’ouverture du commerce, en 2003, en témoigne. « C’est sûr qu’on a eu à s’adapter avec le commerce en ligne. Ceci dit, je ne peux pas dire que ça nous a beaucoup touché, parce que oui, il y a beaucoup de gens qui vendent sur Internet, mais [les consommateurs] ne voient pas la qualité non plus », affirme-t-elle.

Les habitudes des gens restent un vecteur de survie: « Les gens sont encore habitués à aller magasiner, à aller voir le vêtement: voir s’il n’est pas taché, s’il n’est pas brisé… Les gens ont encore ça à cœur, donc je ne crois pas que ça nous dérange tant que ça. »

Un sentiment partagé par Marc Gagnon, directeur général de la Maison de Quartier de Jonquière depuis six ans. « C’est effectivement un concurrent auquel on s’adapte, mais on vit très bien avec ce type de marché-là », explique-t-il.

Les collectionneurs sont également un type d’acheteur qui demeure fidèle aux canaux traditionnels. « On a beaucoup de collectionneurs et de brocanteurs qui viennent ici: on les connaît parce qu’ils viennent très souvent. Ils sont vraiment ici pour trouver des petites perles et ils en trouvent », affirme Mme Verreault. Plusieurs types de collectionneurs fréquentent son commerce. « J’ai déjà vu des collectionneurs de vinyle, de jeux vidéo, etc. On sert vraiment tout le monde », ajoute-t-elle.

Finalement, un dernier domaine qui pourrait sembler avoir changé avec l’arrivée du Web, soit celui des pièces automobiles d’occasion, réserve également une surprise.

« Notre chiffre d’affaires n’a jamais baissé », révèle Carl Roussel, propriétaire depuis 28 ans de la firme de vente de pièces d’occasion Pièces d’Auto Roussel, basée à Roberval. « Souvent, ça va être plus compliqué pour quelqu’un d’acheter en ligne: il n’y a pas nécessairement de garantie ou il se peut que ce soit la mauvaise pièce, et ça prend du temps. Chez nous, la personne va avoir du service, c’est plus facile, elle a la pièce tout de suite et il y a une garantie dessus. »

COEXISTENCE

La montée en popularité des canaux commerciaux en ligne n’est donc pas synonyme de mort pour les canaux traditionnels. Au contraire, les parts de marché des plateformes comme les friperies, ventes de garage et magasins à vocation sociale grimpent partout au pays. Les plateformes en ligne présentent de multiples avantages, mais les canaux plus traditionnels gardent une proximité qui est impossible à reproduire en affichant un objet sur l’inforoute.

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