Dossier sur les dépendances: le cerveau en contrôle

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Le point central du développement des dépendances est le plaisir. Aussi simple que cela puisse paraître, l’être humain est constamment à la recherche de ce sentiment qui lui procure du bien-être.  Mais à quel prix? Les comportements de dépendance ont un effet puissant sur le cerveau. Le processus commence avec une substance ou une action qui active «le système de récompense» du cerveau.

Quand le corps dirige

Plus scientifiquement, le dysfonctionnement du système de récompense est à l’origine des dépendances de toutes sortes. Un mécanisme s’enclenche et produit une association conditionnée. Plusieurs personnes vont reproduire sans cesse l’expérience, qu’ils ont enregistrée comme étant positive, afin de retrouver la même sensation encore et encore, allant jusqu’à augmenter la dose lorsque ça ne fait plus le même effet.

Comme l’explique la professeure au certificat en toxicomanies et autres dépendances à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et doctorante en service social à l’Université Laval où elle a fait sa thèse sur la cyberdépendance, Sandra Juneau, les dépendances agissent fortement sur le cerveau. « C’est un circuit complexe qui comporte quatre parties : le cortex frontal (la partie pensante du cerveau), le noyau accumbens, le septum et l’aire tegmentale ventrale. Toutes ces composantes communiquent entre elles et cette connexion s’effectue grâce à un messager chimique, la dopamine.»

Euphoria

La dopamine est aussi appelée «hormone du plaisir». Elle se déploie lors de fortes sensations de plaisir et la mémoire emmagasine la sensation ressentie et le niveau de dopamine déployé lors d’une action. C’est ce qui motive les gens à continuer de consommer une substance ou à avoir un certain comportement à répétition (magasiner, manger du sucre, travailler plus…) «Si on prend le sport par exemple, ça amène un certain bien-être, ça libère des endorphines, mais c’est la même chose pour les opiacées. Dépendamment de la dépendance, les effets peuvent être les mêmes. On peut voir le sport de façon plus positive, mais le résultat est similaire et la dépendance est bien là», affirme l’intervenante pour le service de travail de rue de Chicoutimi Roxanne Gervais.

Les personnes sujettes aux dépendances se tournent souvent vers un usage compulsif qui les aide à soulager le stress, l’anxiété, le manque d’assurance, ou toutes autres douleurs émotionnelles. Comme ces utilisations réduisent la douleur et améliorent pour certains la performance, il devient alors difficile de s’en passer.  «Lorsqu’on perd le contrôle et qu’on est constamment obsédé par notre consommation, on parle de dépendance. Surtout lorsqu’il y a des répercussions sur notre vie ou sur les autres, sur notre situation financière, nos relations, notre travail…», mentionne la professeure Sandra Juneau.

La professeure au certificat en toxicomanies et autres dépendances à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et doctorante en service social à l’Université Laval où elle a fait sa thèse sur la cyberdépendance, Sandra Juneau, explique que le cerveau, cet organe complexe du corps humain, joue un rôle important dans le développement des dépendances. Photo: Charlotte Côté-Hamel

«C’est juste pour le fun»

Évidemment, il y a une différence entre dépendance et consommation récréative. Toutefois, à petite échelle, comme le plaisir est au centre du processus, tout le monde est à risque de développer une addiction. Selon la Fondation David-Chiasson, un Québécois sur cinq souffrira d’une dépendance au cours de sa vie. Selon le gouvernement du Canada, un adulte sur 10 qui consomme du cannabis développera une dépendance à cette drogue. Ce nombre passe à une personne sur deux pour celles qui en consomment à tous les jours ou presque.

«Je pense que toutes les dépendances amènent quelque chose de positif, sinon les gens ne prendraient rien et il n’y aurait pas d’abus. Au départ, ce n’est pas néfaste, mais c’est quand ça empiète sur les autres sphères de ta vie, et ce, peu importe la dépendance, que ça devient problématique. La dépendance c’est insidieux, une fois que ça s’installe et que tu as besoin de ça pour fonctionner, c’est là qu’il faut se poser des questions», souligne l’intervenante Roxanne Gervais.

Pas tous égaux devant les dépendances

À la base, les personnes à tendance dépressive, anxieuse ou nerveuse sont plus à risque de devenir dépendantes. Pour certaines dépendances, d’autres critères entrent en compte. Par exemple, en ce qui concerne la drogue, l’alcool et le jeu, les hommes sont plus susceptibles de devenir accros, selon l’experte conseil en jeu responsable pour Loto-Québec, Isabelle Martin.

«Parmi les facteurs de risque identifiés dans la documentation scientifique, les hommes sont plus prédisposés. Ils sont surreprésentés chez les joueurs problématiques et les gens qui consomment de manière excessive. Sinon, le fait de faire un gain important et significatif lorsqu’on commence à jouer ou d’avoir dans son entourage des gens qui jouent de manière excessive, peuvent entraîner une perte de contrôle», assure Mme Martin.

Une question centrale s’impose, celle du plaisir qui résulte d’une dépendance. Sommes-nous tous dépendants sans en avoir nécessairement conscience? «On est tous accros à  quelque chose dans notre vie et accrochés à des sources de plaisir, en passant de l’alimentation, au sport ou au travail. Je pense que oui, le plaisir peut être en quelque sorte une drogue en soi», rappelle la professeure Sandra Juneau.

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