Industrie la mort | L’impact du deuil

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Un deuil peut s'exprimer lors de nombreux événements, par exemple, suite à un incendie.

Un deuil peut s’exprimer lors de nombreux événements, par exemple, suite à un incendie.

POUR CEUX QUI RESTENT

L’année 2020 sera celle qui façonnera les livres d’histoire de
nos enfants. Qui n’a pas été touché, de près ou de loin, par la
COVID-19 ? Ce sont des millions d’humains partout dans le
monde qui auront dû faire le deuil de quelqu’un ou de quelque
chose d’important pour eux.

Selon l’Association canadienne pour la maladie mentale, « Le
deuil est l’expérience de la perte ». Souvent, on associe le deuil
à la perte d’un être vivant, mais il est important de savoir que
tout ce qui disparaît, toute perte, peut engendrer un processus
de deuil.

Pour clore notre enquête, nous nous sommes penchés sur les
deuils n’impliquant pas le décès d’un être vivant. Nous ne
pensions jamais traiter ce sujet sur des bases aussi actuelles,
mais il est nécessaire d’en parler et davantage maintenant. Il
semble qu’on en parle peu et qu’on ne lui accorde parfois pas
autant de crédibilité. Pourtant, un tel deuil peut affecter la vie
d’une personne pour toujours.

C’est pourquoi les histoires de Camil, Jeanne et Molly méritent
d’être racontées.

C A M I L

Camil Bergeron a 57 ans. En 2005, un affaissement de deux de
ses disques cervicaux a failli lui coûter la vie. Ils ont découvert
que 80% de ses muscles étaient atrophiés. Il s’est sauvé d’une
paralysie de justesse. Ce qu’il ne savait pas, c’est qu’après sa
sortie de la salle d’opération, plus jamais sa vie n’allait être la
même.

Camil était propriétaire d’une entreprise de désossage de
dindons qui devenait de plus en plus concurrentielle et avait
sous son aile plusieurs employés. Le commerce allait bon train,
il venait tout juste de passer d’une usine de 4000 à 10 000
pieds carrés.

Et puis, du jour au lendemain, plus rien. C’était fini, le petit
empire qu’il avait mis des années à bâtir. C’était fini aussi,
sauter, jouer au golf, jouer au tennis. Il a fallu qu’il apprenne,
malgré lui, que son corps ne lui permettrait jamais de bouger et
de travailler comme avant.

J E A N N E

Le 9 mars dernier, Jeanne Tarte a perdu l’un des symboles les
plus puissants de sa jeunesse. La maison que ses parents
avaient construite et dans laquelle elle a vécu toute sa vie a
péri sous les flammes. Perte totale. Tout ça pour une cigarette
mal éteinte et un petit sapin un peu trop proche de la maison.
Les bruits, les odeurs et les couleurs ont disparu. Les seules
choses qui sont restées, ce sont les souvenirs. Jeanne et sa
famille n’ont eu droit qu’à une seule option ; se reconstruire.

M O L L Y

La mère de Molly Béland a des problèmes de santé depuis
plus de dix ans. Infarctus, arthrose, emphysème dégénératif. Il
y a plusieurs semaines, les nombreux médicaments qu’elle
prenait contre la douleur se sont retournés contre elle. Elle a
fait une psychose. Le verdict des médecins : sa maman aura
probablement besoin de soins à la maison pour le reste de sa
vie.

Cela faisait des années que Molly ne côtoyait plus sa mère de
la même façon. Mais la psychose, c’est l’événement qui a
déclenché son processus de deuil. Elle a dû accepter que la
relation avec sa mère ne serait plus comme elle l’était
auparavant.

Un travail sur soi, pour soi

Camil, Jeanne et Molly sont tous arrivés, durant leur parcours,
devant un mur. Il ne restait qu’une chose à faire : accepter ce
qui s’est passé et que leurs vies ne seraient plus jamais les
mêmes. Parce qu’un deuil, c’est particulier, même s’il est
repoussé, évité ou renié, il va toujours être là. C’est une halte
obligatoire pour passer à une autre étape de la vie.

« Le plus difficile dans mon deuil, c’est quand je regarde les
autres. Je vois les autres qui font des activités avec leurs
mères ou en famille et c’est dur d’admettre que ma famille ne
ressemblera plus jamais à ça. Je ne vivrai plus jamais ça avec
ma mère», explique Molly qui a dû remplacer les activités de
magasinage et les sorties en vélo pour des marathons de
télévision au côté de sa mère.

Molly et Camil ont quelque chose en commun. Les deux ont dû
faire la paix avec une condition qui ne disparaîtra pas. «J’ai fait
un gros down, ça a duré presque deux ans. Les matins je me
levais, je pleurais et je ne bougeais pas de la journée. Mais, il
vient un jour où tu t’en fais une raison. Il faut que tu acceptes
que c’est terminé et que tu ne pourras plus travailler comme
avant», reconnaît Camil.

«C’est un deuil pour lequel on a aucune préparation. On a pas
droit à un petit deux jours de pré-avis, tsé. C’est dur de dire au
revoir, du jour au lendemain, à quelque chose qui a eu une
grande place dans ta vie», ajoute Jeanne.

Jeanne et Molly n’ont pas encore totalement fait la paix avec
leur perte. C’est un long processus qu’elles ont respectivement
enclenché et sur lequel elles travaillent tous les jours. Pour
Camil, c’est après des années de hauts et de bas qu’il a fait la
paix avec sa condition. «C’est un passage que j’ai eu à
vivre dans ma vie. Je me questionne encore à savoir pourquoi
j’ai eu à vivre ça, mais j’ai fait la paix avec ce qui est arrivé»,
déclare-t-il.

Se reconstruire

Le cas de Jeanne est une belle métaphore pour expliquer le
deuil chez un individu. Le cerveau, c’est comme une maison.
C’est difficile pour une maison de rester viable quand ses
fondations s’effondrent. Personne n’est bien dans une maison
avec des trous dans le plafond et des clous qui sortent du
plancher. Il faut la rebâtir, ou du moins, la réparer. C’est un long
processus. Peut-être qu’avant d’accepter la présence des
trous, ça prendra du temps. Mais, c’est un mur à la fois qu’on
reconstruit un chez-soi solide.

Écrit par : Charlotte Coté

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