Trolls sur le Web : entre débordements et démocratie

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Le phénomène des « trolls » a toujours été présent sur les réseaux sociaux, contrairement à la croyance populaire, soutient l’expert Hervé Saint-Louis. Photo: Jérémie Camirand

Ils parcourent le Web en quête d’une proie. Que ce soit sous le couvert de l’anonymat ou pas, les « trolls » semblent devenir monnaie courante sur les réseaux sociaux depuis quelques années. Ce fléau a peut-être un peu de bon en lui, malgré les apparencescomme le suggère le spécialiste des médias émergents à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) Hervé Saint-Louis. Loin de la sainteté, ce phénomène incite toutefois à la discussion et à une plus grande tolérance, avoue-t-il.  

Avant de se pencher sur la situation, mieux vaut définir ce que sont ces fameux « trolls ». Or, comme le rappelle Hervé Saint-Louis, la tâche s’avère complexe, puisqu’il en revient à chacun de façonner sa propre définition.  

« N’importe qui peut devenir un « troll », il suffit de trouver une personne qui n’est pas en accord avec ce qu’on a dit et on peut en devenir un », fait valoir le professeur. 

De manière subjective, selon le propre degré de tolérance de la personne, un utilisateur peut donc recevoir ce titreet ce, même si les intentions initiales sont bienveillantes, soutient l’enseignant. 

« Un “troll  », c’est quelqu’un qui va s’opposer, remettre en question ce que quelqu’un d’autre va dire. Donc, un “troll“  ça ne veut pas dire nécessairement que c’est quelqu’un de méchant, mais il va déranger l’autre personne. »  

Même si l’impression semble pointer vers une apparition récente, M. Saint-Louis mentionne que les « trolls » ont bel et bien un peu de vécu derrière la cravate. « Ils ont toujours existé, dit-il. Depuis le début d’internet, ces gens ont toujours été là. » 

Alors que cette vague semble avoir la couenne dure, sgénéreuse cote de popularité s’explique, en partie, par l’anonymat possible et offert par un tel genre comportement sur les médias sociaux.  

« Notre identité personnelle, on peut se la réinventer sur internet. Donc, ça nous donne l’opportunité de jouer un autre rôle, d’être quelqu’un d’autre que nous ne sommes pas dans la vie de tous les jours. Ça nous donne aussi la permission de dire des choses qu’on ne dirait pas en temps normal, face à face avec quelqu’un. » 

La pandémie actuelle n’a pas nécessairement forcé plus de personnes à s’adonner à la pratique, selon le professeur. Toutefois, le contexte créé par la crise sanitaire a permis aux « trolls » déjà existants de se rassembler sous un même thème et d’aborder un sujet touchant une plus large portion de la société.  

« Les anti-vaccins, ça fait des années que ça dure, c’est la même gang. Ce sont les mêmes gens, c’est juste que là, ils sont sur un sujet qui intéresse tout le monde. Donc, on a comme l’impression que, tout d’un coup, ils sont sortis de quelque part, mais ils étaient toujours-là », cite-t-il en exemple. 

Vivre et laisser vivre  

Ils enchaînent les critiques, font rager bien des personnes et le caractère cancéreux de leur démarche est souvent mis à l’avant-scène. Pourtant, tant que les propos demeurent raisonnables et à l’intérieur du cadre légal, Hervé Saint-Louis ne croit pas qu’une extermination définitive des « trolls » est nécessaire.  

« C’est toujours bon d’être confronté avec des gens qui ne sont pas d’accord avec ce qu’on dit. Je ne vois pas pourquoi on devrait les enrayer. La liberté d’expression, à la base, c’est d’être capable de dire des choses sur lesquelles on ne sera pas toujours d’accord. » 

La tolérance reste et restera la clé afin de mieux comprendre le phénomène, selon l’expert : « On doit apprendre à vivre avec les différences, c’est plus important que d’être tous d’accord ensemble. » 

Enfin, Hervé Saint-Louis est clair : il n’y pas de solutions miracles. Seule une plus grande ouverture d’esprit peut contribuer à rendre les espaces d’échanges plus sains sur internet. 

« Une solution serait que les gens essaient déparpiller les individus qu’ils suivent sur les réseaux sociaux et qu’il y ait des idées différentes des leurs. Encore une fois, on ne peut pas forcer les gens. Ce sont eux qui doivent se dire qu’ils devraient suivre différentes personnes pour avoir des idées différentes et développer un peu plus de tolérance », conclut-il. 

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