Vivre sa sexualité avec un handicap

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À l’ère où la sexualité devient de moins en moins taboue, celle des personnes handicapées reste dans l’ombre. La croyance populaire veut encore que les personnes en situation de handicap ne soient pas des êtres sexuels, alors que la réalité se trouve être tout le contraire.

Claudia Duchesne est en fauteuil roulant depuis 2016. Elle est atteinte d’une maladie rare qui fait en sorte que son corps développe des excroissances osseuses. Elle a perdu toutes sensations à partir du bas de sa poitrine à 28 ans, incluant celles de son vagin.

Depuis, elle est constamment en redécouverte de son corps. « Pour moi, le plus difficile, ça a été de déconstruire tout ce que j’avais déjà appris sur la sexualité, témoigne-t-elle. Je suis en redécouverte de ce qu’est ma sexualité en tant que femme qui ne correspond plus aux normes. » Encore aujourd’hui, cinq ans plus tard, elle est toujours en processus de réajustement. Elle apprend à se concentrer sur d’autres zones érogènes. « Il y a des choses que j’expérimente aujourd’hui que je ne pensais pas que ça pouvait être aussi plaisant même si je ne sens plus mon clitoris », ajoute Claudia.

Mariée depuis cinq ans et en couple depuis un an de plus, elle appréhendait beaucoup ses premières relations après être devenue paraplégique. « Je disais à mon chum que j’allais pleurer quand on allait le refaire pour la première fois parce que je ne sentirais pas mon vagin, confie Claudia, ça a été assez long de mon côté avant que je recommence à avoir des rapports sexuels. J’ai commencé en faisant beaucoup de travail sur moi autre que sur le plan sexuel. Finalement, je n’ai pas pleuré! »

Chacun vit toutefois une expérience différente selon ses capacités et ses préférences. Rien n’est pareil pour tout le monde.

Claudia Duchesne a lancé plus tôt cette année TuFürki, un livre qui permet de recenser ses expériences sexuelles dans le style d’un petit carnet noir. (Photo: courtoisie)

 

Pas seulement physique, le sexe

Pour Samuel Larouche, 27 ans, paralysé à partir du cou à la suite d’un accident depuis ses 20 ans, c’est l’aspect psychologique de la sexualité qui est le plus important. Malgré que sa condition lui permette d’avoir des érections et d’atteindre l’orgasme, il n’a aucune sensation. « Même si je me stimule sexuellement, je n’éprouverai pas de plaisir physique à le faire. Mais dans la sexualité, le psychologique, c’est tout aussi important. Écouter de la pornographie, c’est stimulant psychologiquement et c’est excitant », témoigne-t-il en rigolant.

Selon lui, la définition de la sexualité est trop souvent limitée à la pénétration. « Tout ce qui est à côté, les caresses, la tendresse, l’attention, les préliminaires, c’est trop souvent considéré comme secondaire alors que je pense que ça devrait faire partie de ce qu’on définit comme un acte sexuel. »

L’éducation: pas toujours juste

Le manque d’éducation à la sexualité est souvent à blâmer dans les préjugés toujours présents autant dans la population générale que chez les jeunes ayant un handicap, selon la co-coordinatrice à la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) et responsable du dossier ACSEXE+ – un projet du FPQN qui promouvoit une santé sexuelle positive chez les femmes, les trans et les non-binaires en situations de handicap – Laurence Raynault-Rioux. « Souvent, les écoles spécialisées qui travaillent avec ces jeunes n’ont pas le budget pour recevoir des intervenants en sexualité. Ils ne reçoivent donc pas l’éducation sexuelle de base ou qui prend en considération le handicap dans la sexualité. »

Selon elle, ce manque vient également rendre difficile pour quelqu’un qui vit avec une incapacité d’avoir des repères lorsque vient le temps de réfléchir à ce que représente pour lui ou elle une sexualité épanouie. Il est d’autant plus important pour eux de devoir communiquer leurs désirs, leurs capacités et ce qui leur fait plaisir.

Samuel Larouche n’est pas en mesure de dire s’il y a assez d’éducation sexuelle, étant donné que les particularités de chacun font en sorte que l’éducation est assez complexe. « Mais ce qu’on peut faire comprendre aux gens, c’est que les personnes qui ont des limitations sont des personnes sexuelles », nuance-t-il

Du côté de Claudia Duchesne, c’est la même chose : « Ça peut paraître un peu “illuminé”, mais je pense qu’on devrait inclure le fait qu’on a une sexualité normale aux cours d’éducation sexuelle dès le début et qu’on peut s’échanger entre “normaux” et personnes handicapées. Trop de personnes pensent encore qu’on ne fait que coucher entre nous. »

Son message pour ceux qui croient toujours que les personnes en situation de handicap n’ont pas de vie sexuelle? « Essayez-les! », termine-t-elle à la blague.

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