Des camionneurs sans permis sur les routes 

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Un ex-camionneur dénonce la culture de négligence des conditions de travail dans l’industrie du camionnage. Certaines entreprises vont jusqu’à encourager l’utilisation d’un véhicule dont les chauffeurs n’ont pas le permis.

L’ancien camionneur qui s’est adressé sous le couvert de l’anonymat au journal La Pige retient plusieurs failles de son passage dans le monde du camionnage. « En novembre 2019 j’avais 18 ans et l’on m’a embauché avec un permis de classe 5. On m’a mis au volant d’un camion sans aucune formation dès ma première journée. J’étais stressé, désorienté, désorganisé et très maladroit », avance l’ancien camionneur.

Le jeune homme de Jonquière s’est régulièrement retrouvé dans des situations dangereuses lorsqu’il était en poste. « On me demandait par moment de partir sur la route avec des véhicules de classe 3, un permis que je n’ai jamais eu. Il m’est arrivé une fois d’utiliser un camion de plus de 4500 kg, identique à celui que j’utilisais habituellement, mais beaucoup plus lourd. Une fois, j’étais dans une côte à Chicoutimi et j’étais sur le point de reculer. J’ai eu très peur, j’aurais pu avoir un grave accident », élabore le jeune.

Si l’entreprise pour laquelle il travaillait pousse des employés à conduire des camions sans être titulaires d’un permis de la classe appropriée, ce n’est toutefois pas un cas d’exception. Des données transmises par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) permettent de constater qu’entre 2018 et 2021, 515 infractions liées à cette pratique ont été émises par Contrôle routier Québec.

Selon l’ancien transporteur de marchandises, si les entreprises amènent des chauffeurs à poser cette infraction, c’est en partie en raison du manque de main-d’œuvre sur le marché du travail. « Je crois que la faible quantité de candidats avec les bons permis mène à l’embauche de personnes sans les compétences adéquates », éclaire l’informateur.

Des données transmises par la SAAQ établissent une considérable diminution du nombre de détenteurs de la classe nécessaire à la conduite de camions de plus de 4500 kg. Le nombre de titulaires d’un permis de conduire ou d’un permis probatoire de classe 3 a diminué de 4,4 % de 2015 à 2019.

Le témoignage de l’ancien travailleur de la route met également au grand jour la pression que peuvent subir les camionneurs. « On m’a amené à faire des choses dangereuses pour ma sécurité. On ne m’a jamais fourni d’outils pour me repérer sur la route. Je suis allé jusqu’à Thetford Mines sans GPS et sans téléphone. Je devais aussi falsifier les documents retraçant les heures que je faisais sur la route. Une journée, j’ai fait 18 heures de route et pourtant, c’est interdit », ajoute-t-il.

Même si elle blâme les comportements de ses anciens employeurs, la source de La Pige avoue être heureuse d’avoir été témoin de la solidarité que portent les camionneurs les uns envers les autres.

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