Imposition du temps supplémentaire : mythes et réalités

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Avec le budget provincial qui arrive dans quelques jours, le gouvernement pourrait très bien prendre en considération les demandes de la classe moyenne.(Photo: Marc-Antoine Le Moignan)

Pénurie de main-d’œuvre oblige, des travailleurs doivent se soumettre à plusieurs heures supplémentaires chaque semaine, mais le jeu en vaut-il la chandelle financièrement ? Certains sont imposés jusqu’à 50 %, une demande fiscale qui ne donne pas envie à la population de retourner sur le marché du travail. 

« Quand j’ai fait mon rapport d’impôt il y a deux semaines, je n’en revenais pas. Il n’y a rien pour nous autres. » Cet homme, qui souhaite garder son anonymat en raison de son emploi pour le gouvernement fédéral, fait de 10 à 15 heures de temps supplémentaire par semaine. « C’est le soir, la nuit, les fins de semaine, c’est n’importe quand », explique-t-il. 

Son taux d’imposition sans temps supplémentaire se situe entre 25 à 27 %. Des chiffres qui grimpent jusqu’à 48 % lorsqu’il se met à faire quelques heures de plus, et parfois, jusqu’à 52 %. C’est près de 50 sous imposés pour chaque dollar gagné. « L’effort déployé pour avoir un peu plus d’argent, c’est ça l’injustice », dit le programmeur analyste originaire du Lac-Saint-Jean. 

« Les employeurs ont besoin de faire rouler leur entreprise et ils demandent du temps supplémentaire, mais ce temps-là n’est plus attrayant pour le travailleur à cause de la marge fiscale qui est attribuée sur le chèque de paie », mentionne pour sa part la porte-parole en emploi chez les libéraux, Isabelle Melançon. 

Heures supplémentaires trop imposées : fausses impressions ? 

Il est important de faire la distinction entre le talon de paie, qui est fourni aux travailleurs toutes les deux semaines, et le relevé d’impôt annuel. Quand il est question du talon de paie, ces pourcentages peuvent atteindre des 30, 40 ou 50 % d’impôts puisqu’il n’y a pas que l’impôt qui est retenu : cotisation au régime de retraite, au Régime de rentes du Québec (RRQ), au régime québécois d’assurance parentale, à l’assurance-emploi, etc. Le relevé annuel, quant à lui, prend uniquement en compte l’imposition totale sur 365 jours. Il est donc impossible de payer 50 % d’impôts sur l’année fiscale.  

« Les gens se fient sur leur talon de paie. Ils prennent la différence entre ne pas faire de temps supplémentaire et en faire, ils font la soustraction des deux et ils disent qu’ils paient trop d’impôts. […] Oui, ça vient réduire le chèque de paie, mais ce n’est pas de l’argent dans le beurre. Les gens qui cotisent plus au RRQ, ça va augmenter leurs rentes à l’autre bout », décrit le directeur d’optimisation fiscale chez SFL Expertise, Dany Provost.  

Le gouvernement préfère, dans son idéologie prudente, retenir plus d’argent lors des relevés de paie pour éviter que certaines personnes doivent rembourser la fiscalité à la fin de l’année. Et la plupart du temps, c’est de l’argent qui revient dans les poches des payeurs de taxes. 

Des retraités pas intéressés 

Plusieurs anciens travailleurs ont aussi évoqué leur désir de retourner sur le marché du travail pour contrer cette pénurie de main-d’œuvre, mais la fiscalité vient jouer un mauvais tour aux aînés. 

« J’ai parlé avec des retraités et il y en a un qui m’a dit : on m’a demandé de continuer à travailler, j’ai fait les calculs et ça me coûte de l’argent, ça ne marche pas », commente Mme Melançon. 

À titre d’exemple, une personne qui reçoit un Supplément de revenu garanti (SRG), une mesure d’aide financière pour les aînés de 65 ans et plus, et qui souhaite revenir à l’emploi devra rembourser une certaine partie de son chèque. « Les retraités qui touchent le SRG et qui auraient un revenu au-delà de 15 000 $ annuellement, ça peut effectivement faire très mal », explique Dany Provost, en ajoutant que ces personnes doivent redonner jusqu’à plus de 50 % de leur SRG. 

Avec 300 000 postes à combler au Québec, le gouvernement provincial devra trouver des solutions pour ramener les gens au boulot. « Il va falloir qu’on aide les citoyens du Québec, la classe moyenne, mais aussi les personnes retraitées, rappelle l’ancienne ministre, Isabelle Melançon. […] On a besoin de travailleurs, mais si on veut réinciter les gens à venir à la tâche, on peut regarder le taux d’imposition pour les travailleurs expérimentés, le temps supplémentaire, mais il faut aussi trouver des solutions pour les services de garde, le domaine de la santé et le cout de la vie. » 

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