Le vin a le vent dans les voiles

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Le paysage pourrait faire songer à une carte postale : les feuilles de vigne mordorées, le ciel bleu où quelques nuages tentent timidement de masquer le soleil, le mercure qui avoisine les 20°C. En ce dernier jour des vendanges au domaine du Cageot, à Jonquière, les conditions sont idéales pour la douzaine de bénévoles venus prêter main-forte.

Cyrille Tremblay vient prêter main-forte tous les ans au moment des vendanges

Entre les habitués qui viennent tous les ans et les débutants ravis d’avoir été appelés en renfort, le groupe est hétéroclite. Les expériences se croisent, les anecdotes fusent, les rires s’élèvent. « C’est bien la première fois que je n’ai pas besoin de gants pour travailler.  J’ai tout connu : la neige, la pluie, le vent. D’habitude, on se gèle le bout des doigts », s’amuse Cyrille Tremblay, frère du fondateur du domaine du Cageot, Donald Tremblay . De son côté, Suzy Deschênes, qui est elle aussi une habituée, fait jouer sa mémoire. « Je n’ai pas vu de feuilles sur les vignes pendant les vendanges depuis 1991. C’est plus difficile de travailler comme ça parce que le raisin est caché, mais c’est plus joli »

 

Les autres, souvent novices, profitent d’un moment en plein air, sous le soleil, à l’instar d’Anne-Marie Bélanger, venue sur les conseils de sa fille profiter du plein air et du soleil automnal, ou de Jean-Daniel Trottier, passionné d’agro-tourisme.

Tous les ans, la demande est forte pour venir participer aux vendanges. Et la pandémie a accentué ce phénomène, car il y a eu encore     plus de personnes inscrites cette année. Pour le gérant du domaine Pierre-Philippe Tremblay, l’explication est simple : « les gens veulent profiter du grand air et les vendanges sont une activité qui sort de l’ordinaire, ils n’ont pas l’habitude au Québec ».

Un secteur en pleine expansion

La production de vin connait une croissance impressionnante dans la province depuis une dizaine d’années, selon une étude du professeur émérite de l’université du Québec à Chicoutimi (UQAC) Majella-J. Gauthier. Au total, la région comptabiliserait près de 36 000 pieds de vignes répartis autour de Jonquière et du Lac Saint-Jean, dont plus de 10 000 pour le seul domaine du Cageot. Ce dernier réalise près de 25% de la production de vin de la région, soit entre 15 000 et 20 000 bouteilles par année.

Pourtant, avec son climat froid, le Saguenay—Lac-Saint-Jean ne semble pas la zone la plus accueillante pour planter des vignes avides de lumière et d’eau et souvent frileuses. Si le réchauffement climatique joue un rôle non négligeable selon Majella-J Gauthier, c’est surtout l’intérêt croissant porté au secteur viticole par la population et le développement de variétés de vigne hybrides qui participent à son succès.

Le Saint-André, unique au monde

Plusieurs cépages cohabitent au domaine du Cageot et servent à la confection de différents vins

Ces nouvelles variétés, plus résistantes aux rudesses du climat québécois, sont utilisées au domaine du Cageot. « On travaille en collaboration avec l’université du Minnesota, la référence en matière de vigne en Amérique du Nord. Ce sont eux qui développent ces nouvelles espèces », explique Pierre-Philippe Tremblay. Mais le domaine jonquiérois a aussi une carte maitresse, un raisin unique à l’histoire singulière : le Saint-André, nommé ainsi en l’honneur de la route qui longe le domaine.

Le premier plant a été donné à la famille Tremblay par une voisine qui venait d’arracher sa vigne. Il s’est avéré que ce cépage était non répertorié et totalement inconnu. Il a donc fallu le faire certifier, le baptiser et multiplier les plants en laboratoire. Assez sucré, le Saint-André se prête particulièrement bien à la transformation en vin et a participé à la renommée du domaine.

             

Vers une route des vins du SaguenayLac-Saint-Jean ?

Le secteur viticole reste très jeune dans la région et n’a commencé à croître que depuis une vingtaine d’années. Le domaine du Cageot par exemple, était à l’origine dédié à la culture des framboises, bleuets et cassis. Le raisin n’a commencé à y être produit qu’en 1996, à titre expérimental. Du chemin a été fait depuis, et les récompenses affluent : meilleur blanc du Canada, deuxième meilleur blanc et rouge au monde dans les sept dernières années.

Pour le professeur Gauthier, une chose est sûre : « Le raisin a le vent dans les voiles ». Le chercheur a rencontré 42 exploitants pour son étude, et de plus en plus de producteurs s’essayent à la viticulture dans la région. Le marché est toutefois dominé par six grands exploitants, qui produisent plus de la moitié de la production régionale. Cette disparité est loin de l’inquiéter. Au contraire, l’intérêt croissant qui leur est porté serait plutôt l’occasion de créer une route des vignobles de la région, à l’image de la route des bières et de la route des fromages.

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