La musique de jeux vidéo, une industrie en plein essor
La musique a su s’affranchir des limites de son jeu pour s’inviter dans les oreilles de nombreux auditeurs. (Photo : Enzo Trouillet)
« J’ai perdu ma partition de Pokémon », s’écriait une militaire du régiment de Saguenay. Dans un gymnase, la troupe se préparait pour son concert du samedi 10 février. Les premières notes étaient jouées, et un air connu a envahi la pièce, Mario Bros. Même dans les régiments de l’armée, les musiques de jeux vidéo commencent à s’ancrer comme un genre à ne pas oublier, signe du gain de popularité acquis ces dernières années.
« La musique a une très grande importance dans le jeu vidéo. L’immersion est très différente si la musique n’est pas appropriée. C’est comme avoir un plat avec une présentation digne d’une galerie d’art mais sans saveur », raconte Anthony Maltais, un amateur de jeux vidéo originaire d’Alma.
Tetris, Pokémon ou Mario, les bandes originales de ces titres sont connues de tous, et pour beaucoup, font la renommée des jeux qu’elles accompagnent. Au sein des studios, on en est conscient. « La musique vient parfois supporter le gameplay, ça peut conserver l’émotion, c’est majeur dans le jeu. Elle peut aussi jouer un rôle très important d’affection pour les joueurs », analyse le superviseur musical pour Ubisoft, Simon Landry.
Au régiment du Saguenay, les partitions de Pokémon ou Mario ont remplacé celles de musique classique en prévision du concert du samedi 10 février. (Photo : Enzo Trouillet)
Des concerts de musiques de jeux vidéo
Grâce à ce lien entre la musique et le joueur, la popularité de ce genre à part entière n’a jamais été aussi grande. Une opportunité saisie pour les militaires du régiment du Saguenay de mettre à l’honneur ces musiques chères à leur cœur.
« On a pris la décision de réaliser ce concert à la demande de certains membres fans de jeux vidéo. Personnellement, ma musique préférée reste sûrement la Diddy Kong Symphony pour son côté nostalgique », sourit l’adjudant-maître Olivier Fontaine, avant d’ajouter « il y a de très belles musiques. On passe par toutes les émotions, et certaines partitions sont même très complexes à jouer. »
Les musiques de jeux vidéo ressemblent à de la musique classique à jouer selon l’Adjudant-Maître Fontaine. (Photo : Enzo Trouillet)
Bien loin du cliché selon lequel ces mélodies ne s’écoutent qu’en s’essayant aux jeux, elles s’invitent maintenant sur toutes les plateformes de l’industrie musicale. « Les musiques d’Assassin’s Creed comptent deux ou trois millions d’écoutes mensuelles par mois sur Spotify », se réjouit Simon Landry, dont il était superviseur.
Mais les titres récents ne sont pas les seuls à avoir une communauté active, les jeux anciens ont aussi leurs fans. « J’avais des vinyles de Ninja Gaiden avant, et aujourd’hui, j’ai plusieurs MP3 de jeux ou je les écoute sur Youtube. Je streame aussi des classements de musiques de jeux sur NES [ancienne console de Nintendo, NDLR] », explique le streamer Dany Desbiens, connu sous le nom de Jambon Rodriguez.
« C’est très plaisant à créer et à écouter. Par exemple, avec Assassin’s Creed, j’ai pu passer du style musical de Paris durant la Révolution française aux Vikings », se rappelle Simon Landry.
Une entrée progressive dans l’industrie
Si les musiques de jeux vidéo ont conquis le cœur des passionnés comme des amateurs, l’industrie musicale a mis du temps avant de les reconnaître comme un véritable art. « Il y a 15 ans, c’était plus difficile de cogner à certaines portes. Depuis cinq ans, c’est beaucoup plus facile, il n’y a plus ces clichés comme quoi les jeux vidéo sont violents », raconte Simon Landry.
Preuve de cette avancée, la création d’une nouvelle catégorie aux Grammy Awards, la plus grande récompense musicale, dédiée aux jeux vidéo. Lauréat de cette première édition, le superviseur musique d’Ubisoft témoigne d’un changement. « Le Grammy a permis au genre de devenir plus connu du grand public, notamment auprès des personnes âgées et des journalistes. »