Femmes en politique municipale : confronter la culture machiste
Dans une structure faite par les hommes pour les hommes, les femmes peinent à trouver leur place en politique municipale. Si elles franchissent de plus en plus le pas, ce n’est pourtant pas assez pour avoir une parité entre les deux sexes.
Le Saguenay-Lac-Saint-Jean est le mauvais élève du Québec et se retrouve en queue de peloton concernant la parité hommes/femmes, avec seulement 32 % de conseillères et 13 % de mairesses. « On recherche la zone paritaire, explique la chargée de projet pour Récif 02, Gisèle Dallaire. On vise les 40 % de conseillères. Ça donne de meilleurs groupes de discussion. » La tendance veut que si un groupe minoritaire avance une idée, elle a peu de chances d’être retenue par l’ensemble du conseil, selon Gisèle Dallaire.
Récif 02 est une table de concertation des groupes de femmes au Saguenay-Lac-Saint-Jean qui défend les droits de la femme dans toutes les sphères de la société. Des discussions avec des actrices politiques actives ou non sont organisées pour les encourager et les soutenir dans leurs ambitions.
Un traitement plus dur
Les femmes ont la vie dure en politique. La consultante en développement territorial et féministe depuis plusieurs années, Isabel Brochu, parle d’ailleurs d’une culture machiste. Il y a beaucoup de préjugés sur le sexe féminin en politique selon elle. « On entend souvent que les femmes sont trop sensibles, émotives ou manquent de jugement », développe Isabel Brochu. À cela Giselle Dallaire répond qu’ « il y a toutes sortes de femmes, il y en a des dures, des conservatrices, des libérales… »
Parmi les idées reçues, le manque d’efficacité de la gent féminine revient souvent sur le devant de la scène. « Comme elles peuvent prendre plus de temps pour traiter les dossiers, on estime qu’elles sont incapables de prendre des décisions et qu’elles manquent de leadership », déplore Isabel Brochu.
Giselle Dallaire rejoint sa comparse féministe. « Les femmes ne sont pas jugées sur les mêmes bases. On va dire qu’une femme est hystérique et un homme décisionnel par exemple. Les femmes sont beaucoup plus observées [que les hommes] ». Elles vont être jugées sur leur physique, leur apparence, leurs décisions… « Josée Néron s’est plusieurs fois fait dire qu’il “faut être faite forte, que la politique c’est comme ça ” par l’ancien maire Jean Tremblay », rapporte Isabel Brochu.
« Mais ce n’est pas parce qu’il y a plus de femme qu’il va y avoir plus de solidarité, avertit la fervente féministe. Les femmes n’ont pas plus d’éthique, mais elles vont avoir une approche plus respectueuse, plus sensible, parce qu’elles ont aussi vécu des discriminations. »
Une charge mentale plus présente
Réalité bien ancrée dans la société, la charge mentale peut toucher autant les hommes que les femmes. Toutefois les statistiques démontrent que c’est la gent féminine qui est la plus concernée. Selon l’Institut statistique du Québec, en 2015, les femmes consacraient en moyenne trois heures et 46 minutes par jour aux activités domestiques. En revanche, les hommes s’y emploieraient pendant deux heures et 38 minutes. Mis bout à bout, cela représente presque une journée de travail supplémentaire pour les femmes, non rémunérée.
La famille a une place importante dans la vie d’une femme. « Les femmes hésitent beaucoup parce qu’elles ne veulent pas que leur famille subisse ça », déplore la chargée de projet pour Récif 02. « D’autres part, beaucoup osent mais au conseil municipal, il y a un manque d’écoute concernant la charge des mandats et de la vie de famille. »
Giselle Dallaire et Isabel Brochu espèrent que les femmes seront plus nombreuses à briguer les suffrages en novembre 2021. Aussi, invitent-elles les futures candidates à « suivre des formations, à partager et discuter avec d’autres femmes en politique, et évaluer pourquoi elles veulent faire de la politique avant de se lancer. »