« Moi, je ne suis pas itinérant, je suis en dépannage »

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Alors que le mercure avoisine les -30 °C à Chicoutimi, tous les habitants rentrent chez eux. Mais ce n’est pas le cas des sans-abris. Eux doivent braver le froid, passant la majeure partie de leur journée dehors. Pour les accompagner, la Maison des sans-abri ouvre ses portes. Elle propose des services de restauration, de laverie et de logement, permettant même, les nuits de tempête, aux plus démunis de dormir sur place.

Les résidents fument et discutent dehors sous la neige (Photo : Amandine Rossato)

Les résidents fument et discutent dehors sous la neige (Photo : Amandine Rossato)

 

L’extérieur de l’organisme social est plein de vie sous la neige. Une dizaine de personnes se relaient pour venir discuter à l’extérieur, fumer des cigarettes ou boire des bières sous le regard des intervenants.

La Maison d’Accueil des sans-abri de Chicoutimi est séparée en trois étages. À l’entrée se trouvent des bureaux, suivis d’une cuisine puis d’une salle commune avec une télévision et des canapés. L’étage est réservé aux chambres proposées à la location, au coût de 380 $ par mois, repas compris. Et au sous-sol,  il y a “Le Refuge” aussi appelé le “ Débordement ”. C’est ici que viennent toutes les personnes qui n’ont pas pu avoir de chambre.

« Présentement, on a une vingtaine de personnes en liste d’attente, détaille le responsable de l’animation, Pierre Schuld. Alors certains dorment sur les canapés ou sur des lits de camp. Et, les soirs de tempête comme aujourd’hui, on autorise même à ce que certains dorment par terre. »

Des sofas sont ouverts à la location. C’est la situation que vit Alain Delafontaine depuis un an. « Je ne suis pas itinérant, je suis en dépannage, insiste-t-il avec détermination. Je paie pour avoir un canapé. »

 

Manque de logements

Le centre d’accueil  essaie de trouver un maximum de places disponibles et « renvoie certaines personnes vers d’autres endroits », précise le responsable de l’animation. Mais la pénurie de logements a conduit nombre d’entre eux à la rue, comme ça a été le cas pour le locataire à la Maison des sans-abri, Patrice Tremblay.

« Je suis ici parce que j’ai perdu ma chambre. Je ne trouve pas de logement. Avant, je pouvais dormir dans le sous-sol de mes parents, mais je ne peux plus aujourd’hui. Et c’est pas facile pour sûr. Quand tu as plus ta famille, que tu n’as plus de ressources, que tu n’en as plus vraiment, ça fait mal. »

Il est présentement en recherche d’appartement. « J’espère trouver un deux et demi. Je garde espoir. »

Patrice Tremblay joue à l’intérieur de la Maison d'Accueil des sans-abri de Chicoutimi (Photo : Amandine Rossato)

Patrice Tremblay joue à l’intérieur de la Maison d’Accueil des sans-abri de Chicoutimi (Photo : Amandine Rossato)

 

Pourtant, les propriétaires émettent, eux, des réserves quant aux locataires qu’ils acceptent, selon Pierre Schuld.  « C’est vraiment dur de trouver un logement. Il y a des critères d’admission. Les propriétaires veulent des gars sympas et pas des personnes avec des problèmes de santé mentale. Et si on ne les accepte pas ici, ils finiront à la rue

« Mais nous allons bientôt déménager », se réjouit-il . Le prochain centre aura plus de chambres, permettant donc d’accueillir un plus grand nombre de résidents. « On vient de finir de vider le nouveau centre, on espère s’y installer bientôt. »

 

Gestion sur le fil

« Nous avons une clientèle à contre-courant, une clientèle contre le système, frustrée du système », justifie Pierre Schuld. Faire respecter un règlement dans de telles conditions peut parfois être difficile, voire même dangereux pour les intervenants.

À l’étage de la Maison des sans-abri du bruit résonne. Certains résidents, ou anciens résidents, peuvent parfois se montrer violents. Alors que la gestionnaire fait le tour des chambres pour s’assurer que tout va bien, un homme sort de sa chambre en criant. Elle tente de le calmer en riant, mais se crispe. Pour elle, « ils ne sont pas méchants, mais il faut tout de même faire attention ».

Plus tard, Pierre Schuld racontera avoir subi une agression peu de temps auparavant.

« J’ai demandé à tous de sortir pendant l’heure du midi. Lui a dit qu’il ne le ferait pas. Il s’est levé soudainement et m’a frappé avec son sac à dos avant de me mettre un coup de pied dans le ventre. »

Malgré tout, il reste positif, « j’aime mon métier. On aide les gens. Et certains s’en sortent. »

Sur une note poétique, il ajoute « l’itinérance, c’est un peu comme un labyrinthe, il faut trouver la sortie. »

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Photo Amandine Rossato