L’obsolescence programmée : une problématique qui prend de l’ampleur

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Plusieurs personnes ont le réflexe de changer leurs appareils électroniques et leurs électroménagers dès qu’il y a une problématique avec ceux-ci. Cependant, dans la majorité des cas, il suffirait de changer quelques pièces pour allonger la durée de vie desdits appareils.

L’obsolescence programmée est une pratique de certains manufacturiers ou fabricants qui consiste à délibérément créer des produits avec une durée de vie limitée pour qu’on les rachète plus rapidement. Cette réalité entraîne de la surconsommation et est particulièrement néfaste pour l’environnement.

La surconsommation engendrée par cette situation entraîne une augmentation considérable de la quantité de déchets électroniques (appareils jetés en tout ou en partie à la suite de leur utilisation). Parmi les déchets électroniques déclarés par les ménages canadiens en 2021, Statistique Canada indique que 15 % proviennent des ordinateurs, 14% pour les cellulaires et 14% pour les téléviseurs.

L’ex-député de Jonquière et ancien porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement et de lutte contre les changements climatiques, Sylvain Gaudreault, est d’avis que la problématique concerne une grande quantité de manufacturiers dans la province.

« On s’aperçoit que plusieurs fabricants, sans nommer de noms , vendent des électroménagers facilement usables, parfois sans aucune pièce de rechange, ce qui augmente notre consommation de déchets au Québec », observe Sylvain Gaudreault.

Selon un rapport du Forum international sur les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), environ 5,3 milliards ont été des déchets électroniques en 2022.

La surconsommation d’AEE augmente la production de gaz à effet de serre dans l’industrie électronique. À titre d’exemple, la production et l’utilisation d’une télévision de 30 à 40 pouces dégagent un poids carbone (unité de mesure des gaz à effet de serre) de 374 kilogrammes de CO2. Près de 80 % de ce CO2 provient de la production des matières premières, selon l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME). Toujours selon l’ADEME, la même télévision créerait 10 kilogrammes de CO2 lors de sa période de recyclage.

Recyclage au Québec : une véritable solution?

Selon le chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et instigateur du projet de loi 197 (projet qui vise à réguler la production des AEE et à empêcher l’obsolescence programmée), Jonathan Mayer, la gestion du recyclage au Québec n’est pas efficace pour lutter contre l’obsolescence programmée.

« Electronic Product Storage Ship, c’est un organisme à but non lucratif dont les clients sont Apple, Microsoft, Dell, nommez-les; tous les géants de l’électronique sont là. Ce sont eux qui contrôlent le recyclage des produits électroniques au Québec. Ils ont peut-être intérêt à ce qu’on fasse du recyclage, c’est-à-dire qu’on va prendre les vieux ordinateurs pour aller chercher les matériaux qu’on peut toujours utiliser, mais ont-ils intérêt à réduire la vente de produits électroniques? Ont-ils intérêt à ce qu’on réutilise, à ce qu’on reconditionne les vieux appareils? », se questionne M. Mayer.

Deux semaines après le dépôt du projet de loi 197 en 2019, Jonathan Mayer raconte que l’ancien député indépendant de Chomedey qui a permis le dépôt du projet, Guy Ouellette, a reçu une lettre d’Electronic Product Storage Ship, un organisme à but non lucruatif pour le recyclage électronique dans la province.

« Dans la lettre, l’organisme expliquait que le projet de loi était une très mauvaise idée, mais pas pour ses clients; pour les citoyennes et les citoyens du Québec. Moi qui enseigne la logique de l’argumentation, je peux vous dire que l’argumentaire de la compagnie était un tantinet fallacieux parce que le projet de loi va permettre aux citoyens d’acheter de façon responsable », souligne le chargé de cours à l’Université de Sherbrooke. Cette lettre dénonce la position du projet de loi 197 en ce qui a trait à la durabilité des produits électroniques.

« Les fabricants de produits électroniques ont élaboré des politiques et des programmes visant à améliorer continuellement la durabilité de leurs produits. On parle ici de la conception et de la sélection des matériaux, de la performance des produits, de leur réutilisation et d’une gestion responsable en fin de vie. Cela a conduit à l’innovation continue et à l’utilisation de nouvelles technologies qui fournissent aux consommateurs des appareils améliorés tout en réduisant simultanément la quantité globale de déchets électroniques générés – le tout dans l’environnement existant de réparation du produit. » , indique un bout de la lettre de l’organisme de recyclage.

Des solutions pour contrer l’obsolescence programmée?

L’adoption du projet de loi 197 au Québec est l’une des principales solutions pour contrer l’obsolescence programmée et pour protéger l’environnement, indique le professeur Jonathan Mayer. Le projet a notamment pour but d’instaurer dans la province un concept développé en France, nommé l’indice de réparabilité. Cette idée de donner une note aux appareils électroniques sur leur durabilité permettrait aux consommateurs d’acheter de façon responsable et écologique.

Outre le volet politique, il existe également des solutions envisageables pour la population afin de protéger les écosystèmes.Dans une étude réalisée sous la direction de la professeure en Sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Chicoutimi, Myriam Ertz, sept modèles d’affaires ont été identifiés. Ceux-ci « permettraient d’étendre la durée de vie des produits et dans quelle mesure ceux-ci font intervenir les consommateurs. »

Ces modèles définissent comment les différents processus de consommation (production, redistribution, maintenance et recouvrement) pourraient être effectués de manière plus écologique. À titre d’exemple, les marchés en ligne, comme la plateforme Kijiji, permettent la revente d’appareils usagés et prolongent du même coup la durée de vie des AEE. « La consommation responsable va permettre aux consommateurs de partager ou de louer des appareils usagés et, ainsi, de favoriser le maintien d’un écosystème en santé », affirme Mme Ertz.

 

(En collaboration avec Nicolas St-Pierre, Jeanne Trépanier et Jérémy Trudel)

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