Les PFAS : des polluants pas si éternels

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Le PFOA et le PFOS sont présents chez presque 100 % des Canadiens selon Statistiques Canada. (Pexels)

Omniprésents dans notre quotidien, des PFAS ont récemment été retrouvés dans les habits de combat des pompiers et dans l’eau des habitants de l’arrondissement de La Baie. Leur forte résilience leur a valu un surnom, celui de « polluants éternels », qui a fini par leur coller à la peau. Est-il vraiment justifié ?

Les PFAS regroupent plusieurs milliers de molécules, toutes caractérisées par des liaisons carbone-fluor extrêmement robustes. « Ces substances ne sont pas naturelles, ce qui leur confère une grande durabilité avec notamment la forte présence du fluor », explique Serge Lavoie, chimiste à l’Université du Québec à Chicoutimi.

Ces substances, synthétisées depuis les années 1940, ne sont pas naturelles. « Certains sont à longue chaîne, d’autres à courte chaîne. Les composés à longue chaîne ont tendance à se dégrader très lentement dans l’environnement », précise le médecin-conseil à la Direction de la santé publique, Dr Jean-François Bétala Bélinga.

Pourtant, leur longévité varie considérablement selon les conditions environnementales et la nature des molécules. « Les PFAS exposés au soleil ou aux intempéries se dégradent plus vite que ceux enfouis dans des nappes souterraines », explique Mathieu Valcke, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec.

Des « polluants éternels » … à durée limitée

Pour Jean-François Bétala Bélinga, « le terme éternel est abusé, mais c’est imagé ».

Bien que leur surnom soit percutant, il s’avère trompeur.

« Même les plus persistants des PFAS ne restent pas indéfiniment dans l’environnement ou le corps humain », assure Mathieu Valcke.

Les molécules les plus résistantes, comme le PFOA, mettent certes plusieurs années avant d’être éliminées par l’organisme, mais elles peuvent l’être. Si l’exposition cessait immédiatement, leur concentration diminuerait significativement au fil des décennies. Dans 20 à 30 ans, on n’en retrouverait qu’en quantités infimes, et à terme, « elles disparaîtraient entièrement », selon Mathieu Valcke.

Des cas récents, comme celui de la contamination de l’eau à La Baie, illustrent cette diversité. « Les molécules identifiées n’étaient pas parmi les plus toxiques et pouvaient être éliminées en quelques semaines », ajoute-t-il.

Des risques sanitaires

Les effets toxiques des PFAS dépendent donc de leur durée d’exposition. « Les impacts se manifestent généralement après une exposition chronique », explique Mathieu Valcke. Parmi les conséquences identifiées figurent des perturbations hormonales, des troubles de la thyroïde, et des effets sur le développement des enfants.

Si certaines molécules, comme le PFOA et le PFOS, sont bannies dans de nombreux pays grâce à la Convention de Stockholm ratifiée par le Canada, la majorité des PFAS restent autorisés. Cette réglementation partielle reflète un équilibre délicat : bien que des progrès aient été réalisés, remplacer ces substances reste complexe. « L’industrie remplace souvent ces substances par des alternatives qui, bien que moins persistantes, ne sont pas exemptes de risques », observe Mathieu Valcke.

Dans la région du Saguenay, où la concentration de PFAS dans l’eau a récemment suscité des inquiétudes, Serge Lavoie se veut rassurant : « Les niveaux relevés sont bien en deçà des limites recommandées par Santé Canada. »

Un avenir incertain

La régulation des PFAS reste un défi. « Au Québec, il n’existe pas encore de normes obligatoires pour les PFAS dans l’eau, mais Santé Canada a fixé des critères à respecter pour protéger la population. Ce ne sont toutefois que des recommandations », rappelle Jean-François Bétala Bélinga.

Pour Mathieu Valcke, une solution radicale serait de réduire drastiquement leur production. « C’est simple en théorie, mais extrêmement difficile dans la pratique, tant ces substances sont omniprésentes et pratiques. »

La diversité chimique des PFAS, soulignée dans le rapport de l’OCDE de 2021, renforce l’idée centrale de la complexité de ces substances. Bien qu’elles appartiennent à une même famille chimique, leurs propriétés et leur impact varient considérablement. Cela explique pourquoi certaines molécules, comme le PFOA et le PFOS, sont interdites, tandis que d’autres continuent d’être utilisées malgré leur potentiel de contamination.

Cette absence de classification universelle, mise en lumière par l’OCDE, complique la communication sur les PFAS et leur encadrement réglementaire. Dans ce contexte, les propos de Serge Lavoie prennent tout leur sens : « Il faudra poser des gestes de plus en plus ambitieux pour éviter les contaminations futures. »

 

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