Dossier sur les dépendances: la cyberdépendance aux commandes de la société?

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À l’ère où la technologie et Internet sont omniprésents, un nouveau phénomène addictif semble prendre forme au Québec, mais également de façon planétaire : la cyberdépendance. Bien que le terme ne soit pas encore défini par les autorités et la communauté scientifique, cette nouvelle dépendance suscite plusieurs questionnements.

Contrairement à certaines croyances, la cyberdépendance n’est pas reconnue comme une réelle dépendance à ce jour, car elle nécessite une compréhension et un raisonnement différents. En effet, comme l’explique la professeure au certificat en toxicomanies et autres dépendances à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et doctorante en service social à l’Université Laval où elle a fait sa thèse sur la cyberdépendance, Sandra Juneau, il est difficile de définir cette addiction. «Là où cela devient problématique et les chercheurs ne s’entendent pas, c’est de savoir si nous sommes dépendants à Internet ou aux applications que l’on retrouve sur Internet», explique-t-elle. C’est-à-dire que pour certains, Internet pourrait être la voie qui les mène à leur dépendance à la pornographie ou au jeu, par exemple.

Les experts doivent également faire face à un autre obstacle, soit sur la consommation d’Internet. Selon Mme Juneau, les chercheurs ne sont pas en mesure de s’entendre sur le nombre d’heures où cette consommation devient problématique. «En ce moment, on parle plus de dépendance lorsqu’on a une consommation de plus de 80 heures par semaine.  Est-ce qu’on devrait y enlever les heures consacrées aux études ou au travail? C’est ce qui est encore difficile à cerner.»

Dernièrement, les préoccupations en ce qui a trait à la cyberdépendance chez les jeunes Québécois ont pris de l’ampleur. D’ailleurs, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, s’est donné pour objectif de définir la cyberdépendance. Le 10 février dernier, une journée a été consacrée à la recherche sur la cyberdépendance. Soixante experts étaient présents. Une deuxième journée de consultation était prévue le 20 mars alors que des conclusions et un plan d’action devaient être émis. Toutefois, le forum a été remis à une date ultérieure en raison du contexte entourant la crise du coronavirus.

L’algorithme des réseaux sociaux 

Lorsque l’on parle d’Internet et d’applications, on parle également des réseaux sociaux. Ce qui envenime la dépendance aux réseaux sociaux, c’est le fonctionnement de ceux-ci. Comme l’a fait remarquer Mme Juneau, il est facile de rester de longues périodes sans même s’en rendre compte sur Facebook ou Instagram, car il y a sans cesse de nouvelles actualités, du nouveau contenu qui est ajouté à chaque seconde. Le principe est similaire pour les jeux vidéo. Comme ce sont des jeux disponibles à l’échelle mondiale, il y a toujours quelqu’un ailleurs dans le monde, qui peut continuer à jouer. «Si tu es en ligne et que tu joues en réseau, il y a toujours un lieu où il fait jour alors qu’ici il fait nuit. C’est ce qui fait que c’est tentant pour tout le monde de jouer 24h sur 24 pour tenter de garder son pointage et pour ne pas se faire dépasser», a précisé la professeure.

Les jeunes plus à risque?

Les jeunes forment nécessairement le groupe d’âge qui utilise et risque davantage une surexposition aux écrans. Cela s’explique notamment par une propension de plus en plus précoce des jeunes vers les tablettes électroniques ou les jeux vidéo. Sandra Juneau ajoute que la tablette peut également s’avérer un bon moyen de contrer l’ennui en revenant de l’école en attendant le repas, alors que pour d’autres ce sera la télévision. Cela remplace aussi les jeux de société. «C’est donc une bonne gardienne d’enfants», image-t-elle.

Pour la professeure, il faut prendre le temps de regarder son comportement en tant qu’adulte. «Nous sommes les modèles de nos enfants. Si j’ai toujours mon téléphone dans les mains même quand je mange, c’est l’exemple que je donne à mes enfants.»

Selon l’Institut de la statistique du Québec, il est possible de constater que les jeunes peuvent passer de plus en plus d’heures sur leurs écrans par semaine. Près d’un jeune sur cinq peut passer plus de 35h en tête à tête avec un écran.

La nomophobie

Dans l’ouvrage Les addictions à Internet: de l’ennui à la dépendance écrit par les docteurs Michel Hautefeuille et Dan Véléa, on définit une nouvelle phobie en lien avec les écrans et les cellulaires. On peut y lire que «l’addiction ne fait que se renforcer et se traduit par une peur panique qui envahit les usagers lorsqu’ils sont séparés de leur téléphone. Cette peur se nomme la nomophobie». Des traits de caractères et des réactions particulières ont d’ailleurs été découverts chez les dépendants au cellulaire. «On retrouve classiquement l’impulsivité et l’intolérance, mais aussi un besoin d’affichage du statut social. L’absence de l’objet est vécue comme une atteinte identitaire avec un sentiment d’abandon, de solitude et de vulnérabilité», y est-il inscrit.

Comme les écrans deviennent indispensable à nos vies, remplaçant tout ce dont l’humain à besoin, deviendrons-nous tous dépendants? Difficile à dire pour les écrans seulement, mais Sandra Juneau croit en effet que chaque individu est dépendant à quelque chose, car l’humain est constamment à la recherche du plaisir.

 

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