Le manque d’éducation sexuelle, facteur de conséquences nuisibles

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Infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), grossesses non désirées, violences sexuelles… Renforcé par le tabou qui plane autour du sujet et par l’impact d’Internet, le manque d’éducation sexuelle n’est pas sans conséquence.

« Il y a un lien à faire entre le manque d’éducation sexuelle et les mauvais comportements. Par exemple, si on regarde aux États-Unis, c’est l’un des pays où l’on parle le moins de sexualité dans les écoles et c’est là qu’il y a le plus haut taux de grossesse à l’adolescence », souligne la sexologue de l’organisme Sexplique, Marie-Pier Gagné.

Selon une étude de Bruno Schoumaker et David A. Sánchez-Páez réalisée en 2022, environ 1800 enfants naissent de mères de moins de 15 ans aux États-Unis chaque année. Cela peut s’expliquer par le fait que moins de la moitié des adolescents ont reçu des instructions avant leur premier rapport sexuel, d’après l’Institut Guttmatcher.

Avec 60 naissances par an, le Canada est, quant à lui, le troisième pays où il y a le plus de grossesses issues d’adolescentes. Ces chiffres sont tout de même en diminution puisque, selon la Société canadienne de pédiatrie, 13,2 grossesses sur 1000 adolescentes étaient dénombrées en 2010, contre 5,5 en 2020.

Sources : Institut canadien de la santé des enfants et Autorité statistique suédoise © Célie Dugand sur Infogram

Dans des pays proposant une meilleure éducation sexuelle comme en Suède, les chiffres sont beaucoup plus bas. En 2020, selon les statistiques suédoises, 512 enfants sont nés de personnes âgées de 19 ans ou moins, soit 0,45 %.

Pour Marie-Pier Gagné, ces grossesses s’expliquent majoritairement par la pratique de relations sexuelles non protégées, due à un manque d’éducation sexuelle. Par exemple, chez les 17-20 ans, une femme sur cinq a recours au coït interrompu, alors que cette méthode de retrait n’est fiable qu’à 73 %, notamment parce que le liquide pré-séminal peut contenir des spermatozoïdes si une éjaculation récente a eu lieu.

Beaucoup d’ITSS chez les jeunes

De plus, cette pratique, comme l’utilisation de pilules contraceptives, ne protège pas des ITSS. Même si le condom est le moyen de contraception le plus utilisé avec la pilule, seuls 60 % des Canadiens de 15 à 24 ans s’en servent lors de tous leurs rapports sexuels selon Statistique Canada.

Cette tranche d’âge est donc la plus touchée par les ITSS, notamment la chlamydia et la gonorrhée. Le nombre de contaminations est en hausse depuis plusieurs années.

Source : Agence de la santé publique du Canada © Célie Dugand sur Infogram

« Des maladies comme la syphilis étaient presque éradiquées il n’y a pas si longtemps, on avait trois cas déclarés au Québec en 1998. Maintenant, il y a des milliers de cas », détaille le professeur de biologie de la sexualité au Cégep de Jonquière, Jean-François Lambert.

Même s’il estime qu’il y a eu un relâchement de la prévention dans les années 2000, ce professeur évoque d’autres explications. « C’est peut-être à cause d’une sorte de sentiment de sécurité ou parce qu’on sait que maintenant les ITSS se traitent bien, pour celles qui se soignent. »

Puisque 70 % d’entre elles sont asymptomatiques, il est d’autant plus important de faire de la prévention, mais ce sujet est encore tabou. Pourtant, selon une étude PIXEL, une femme sur cinq et un homme sur dix recevront un diagnostic positif de chlamydia au cours de leur vie.

En Suède, malgré la bonne éducation sexuelle, ce sont également les jeunes qui sont les plus touchés par les ITSS puisque près de 80 % des cas de chlamydia concernent les 15-29 ans. Les ITSS sont toutefois en diminution. Une baisse de 18 % a notamment été observée chez les 15-19 ans entre 2020 et 2021.

Violences sexuelles

Le manque d’éducation à la sexualité peut également entraîner des violences et agressions sexuelles, qui se caractérisent par le fait d’imposer des paroles, des gestes et des attitudes à caractère sexuel à une personne sans son consentement.

« C’est important d’en parler si on veut que ça cesse et déceler les comportements nuisibles. Le fait de parler de consentement, ça conscientise les jeunes. Je ne défends personne, mais parfois, tu ne peux savoir ce qui est normal ou pas normal quand on ne te l’a pas expliqué », explique Marie-Pier Gagné.

Les agressions demeurent nombreuses. Selon une étude du Centre d’aide pour victimes d’agressions sexuelles (CAVAS) réalisée en 2021, au Canada, une femme sur trois et un homme sur six en seront victimes au cours de leur vie, les deux tiers avant 18 ans.

Source : Centre d’aide pour victimes d’agressions sexuelles © Sibylle Beaunée et Célie Dugand sur Infogram

Aux États-Unis, les chiffres sont beaucoup plus élevés puisque 700 000 femmes sont agressées sexuellement chaque année. Parmi elles, 14,8 % ont moins de 17 ans. Quant à la Suède, 6000 viols ont été recensés en 2020 selon la délégation.

La pornographie participe à la banalisation des violences sexuelles, notamment en plaçant le consentement au second plan. Pourtant, selon l’intervenante-responsable de la maison des jeunes de Chicoutimi, Marie-Andrée Gagné, beaucoup de jeunes commencent leur éducation en regardant de la pornographie.

Peur d’être anormal

Pour Jean-François Lambert, c’est un véritable problème que les jeunes utilisent ce moyen pour en apprendre plus, car cela ne représente pas la réalité.

« Se comparer aux acteurs de la pornographie, où il y a des chirurgies à n’en plus finir et des scènes tournées dans le désordre, c’est une très mauvaise idée. Mais dans la tête d’un jeune qui ne voit que ça, c’est peut-être le seul modèle qu’il a, donc ça devient une très mauvaise façon de voir le monde de la sexualité », détaille-t-il.

Les jeunes ont alors tendance à se comparer à la pornographie et ont l’impression de ne pas être normaux. Cette sensation est exacerbée par l’hypersexualisation, à laquelle ils sont continuellement confrontés dans leur vie quotidienne.

Grandes lèvres, petites lèvres, roses ou violettes, les vulves sont toutes différentes. (Photo : Sibylle Beaunée)

Lorsque Jean-François Lambert montre l’existence de la diversité durant ses cours, les étudiants sont soulagés. « Même des jeunes au cégep me disent qu’ils sont contents de voir qu’ils sont normaux, malgré leurs différences avec les autres et les acteurs de films pornographiques. »

L’éducation sexuelle permet donc aux jeunes de prendre confiance en eux.

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