Mission: sauver des boules de poils

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15H40, dans une Ford Focus. Au cours d’une froide journée d’octobre, peu de personnes auraient pu s’imaginer l’ampleur du travail qui attendait les deux passagères de la voiture bleue, armées d’une cage-trappe, de nourriture et de leur manteau d’hiver. Leur mission: sauver le plus de chats possible.

Audrey Lavallée et Julia Laprise ne sont pas des professionnelles. La première consacre son temps à une Technique de santé animale et la deuxième à un DEC en Sciences de la nature. Les chats sont, pour elles, une passion partagée, malgré qu’elle soit souvent entrecoupée par leurs études. Membres d’OpérAction Boules de Poils, les deux parcourent ainsi le territoire du Lac-Saint-Jean sans relâche, à la recherche de ces petites créatures poilues aux moustaches frémissantes.

15H45, devant un appartement du boulevard SacréCœur, Saint-Félicien. C’est toujours ainsi que l’aventure commence: dans la ville où habite Mme Lavallée. Cette journée-là, ce sont deux chatons en famille d’accueil,

nommés Baloney et Creton, sauvés par le groupe, qui bénéficient des bons soins des cégépiennes. Elles les vermifugent puisqu’ils avaient tous les deux des vers. «Lorsqu’ils ont des vers, leur ventre est dur», a expliqué Mme Laprise, tenant Creton dans ses mains, le félin au pelage gris.

Audrey Lavallée en compagnie d’un des chats qu’elle a sauvés.

Dans leur processus de sauvetage, les familles d’accueil jouent d’ailleurs un rôle primordial. Elles sont celles qui vont recueillir les chatons et les chats mâles jusqu’à ce qu’ils leur trouvent une maison pour la vie. En ce moment même, ce sont environ 70 minous qui sont en attente d’adoption dans le groupe du Lac-Saint-Jean.

Pourtant, le nombre de ceux et celles qui voudraient accueillir temporairement ces petits poilus ne grossit pas. OpérAction Boules de Poils n’a que 15 familles d’accueil présentement. Puisque la réglementation de la plupart des municipalités ne permet que deux chats par habitation, tous ne peuvent donc pas être à l’intérieur, au chaud. Toutefois, il arrive que certaines personnes décident de contrevenir à ces directives.

18H00, dans un village du Saguenay–Lac-Saint-Jean, devant la maison de Jocelyne (nom fictif). Âgée de 82 ans, Mélanie est l’une de celles qui font fi de la réglementation. Ce sont 40 félins qui sont installés dans son portique, au milieu de la nourriture et des excréments. La situation dure depuis plus de cinq ans. «Les chats qui sont là ne sont pas à moi. Je n’en ai que deux et ils sont dans la maison», a-t-elle affirmé, habillée de son manteau à carreaux, les joues rouges en raison du froid.

Ce n’est cependant qu’une partie de l’histoire. Au départ, la dame aux cheveux blancs en avait 70, qu’elle nourrissait quotidiennement. Alors qu’il n’y avait que quelques chats errants au début, leur nombre a ensuite «doublé, triplé et quadruplé». Ils ne cessaient d’arriver et elle ne pouvait pas les empêcher de venir, car elle les adore, ces petites bêtes. C’est à ce moment là qu’OpérAction Boules de Poils est entré dans le paysage et lui a proposé son aide. Grâce au groupe, elle a ainsi pu offrir une vie meilleure à une trentaine d’entre eux.

Malgré tout, les félins restant ne pourront pas tous être adoptés. Plusieurs vivent dehors depuis bien trop longtemps, la vie à l’intérieur serait donc trop difficile pour eux. Selon Audrey Lavallée, c’est là la triste réalité lorsque l’on s’attaque à une colonie. À la fois dure pour le moral et l’esprit d’équipe du groupe qui doit «prendre les décisions que personne ne veut prendre» et en laisser plusieurs à l’extérieur.

20H30, au milieu d’une trentaine de chats, au rezde-chaussée de la maison de Maryse (nom fictif). La même situation s’applique à Maryse, une femme âgée désormais à la retraite. Membre d’OpérAction Boules de Poils depuis sa création en 2018, elle fait, en plus, partie des familles d’accueil. «On a toujours eu des chats quand j’étais jeune. Lorsque j’ai décidé de prendre ma retraite, j’en ai profité», a-t-elle expliqué, assise sur le divan de la pièce aux rideaux fermés. Elle veut sortir des rues le plus de félins possible, adoptés ou non.

La créatrice du groupe, Suzanne Dumais, partage aussi cet objectif. Elle était autrefois membre de Rescapés Poilus, un groupe de sauvetage de chats du Saguenay–Lac–Saint– Jean, dont les activités sont concentrées principalement au Saguenay. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Opéraction Boules de Poils a été créé par celle qui étudie présentement à l’université en Sciences infirmières: pour sauver les chats errants du Lac-Saint-Jean.

Depuis sa mise en place, ce sont ainsi 90 minous qui ont pu être adoptés grâce à l’équipe créée par Mme Dumais. Quant au groupe du Saguenay, Rescapés Poilus, leur nombre d’adoptions s’élève à 171.

22H15, il est temps de rentrer. Au milieu de la nuit froide, les sièges chauffants activés, Audrey Lavallée et Julia Laprise discutent: à quoi ressemblera leur prochaine mission ? Même elles ne le savent pas…

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