Défier la gravité et la société  

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Anouk Parent s’est lancée en affaires par passion pour son sport, le pôle fitness. (Photo Xavier Savard)

Quatre fois par semaine, dans un petit studio de Jonquière rempli de miroirs, Anouk Parent enseigne sa passion à d’autres femmes. Ce sport, le pôle fitness, est devenu sa vocation à l’âge de 25 ans. Anouk détonne des autres femmes de son âge puisque huit Canadiennes âgées entre 25 et 34 ans sur 10 ne font pas de sport régulièrement*.   

Anouk Parent s’est lancée en affaires par passion pour son sport, le pôle fitness. Ce qu’elle aime le plus dans ce sport ce sont les bienfaits physiques, mais surtout mentaux que la pratique de celui-ci lui apporte.   

« Le pôle fitness ça fait tellement du bien au moral. Tu ne te fais pas juger. Même si tu as des vergetures, une petite bedaine, des grosses cuisses, personne ne te regarde avec du dégoût. Au contraire, quand tu vas la réussir ta figure, les gens vont être contents pour toi et fiers de toi. Tu gagnes de la confiance »   

 C’est en naviguant sur les réseaux sociaux, il y a 8 ans, que la co-propriétaire du studio VK a appris l’existence du pole fitness. Ce sport commençait tout juste à s’établir au Québec. Pour Anouk, ce fut le coup de foudre.   

 « J’avais essayé d’aller au gym, seule et même accompagnée, mais je me comparais toujours aux autres. Je regardais les autres filles dans le miroir et je me disais « est donc ben belle, est dont ben bien faite, moi aussi j’aimerais lui ressembler », se remémore-t-elle. Quand tu fais du pole tu n’as pas le temps de te comparer parce que tu es trop occupé à te concentrer sur ta figure. Il y a aussi toujours des réussites dans chaque cours ». 

À l’encontre des statistiques  

Si la Anouk de 24 ans rencontrait la Anouk d’aujourd’hui, elle n’en croirait pas ses yeux. Avant de commencer à pratiquer le pôle-fitness à 25 ans, la co-propriétaire du studio Vk à Jonquière était une personne considérée comme sédentaire par la Santé publique du Canada.   

 « Je ne pratiquais aucun sport avant ça. Aucun entraînement. Moi faire un tour de rue avec mon chien c’était un enfer, » explique l’entraîneuse.   

Anouk n’était pas la seule dans cette situation. Comparativement aux hommes, les femmes sont moins nombreuses à pratiquer des sports régulièrement au Canada, et ce, dès un jeune âge selon les plus récentes données de statistique Canada. Ce nombre est en chute libre lorsque les femmes atteignent la mi-vingtaine. 

 Contre obstacles et embûches  

Les femmes ont davantage d’obstacles à surmonter pour pratiquer un sport, selon un rapport du Conseilde la femme publié en 2022. Ce phénomène est à l’origine des différences entre les hommes et les femmes dans ce domaine.   

La doctorante en psychopédagogie et chargée de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi, Manon Bordeleau, a été aux premières loges de ces embûches au cours de sa carrière d’athlète, de son passage dans des organisations sportives et de ses recherches.   

« C’est prouvé que lorsqu’une personne fait du sport depuis un jeune âge, elle a plus de chance de continuer à en faire pour le restant de sa vie, explique la doctorante. Ce que j’ai le plus observé en produisant ma thèse de doctorat c’est qu’à l’adolescence, les facteurs sociaux, collectifs (l’influence des amis, les stéréotypes associés aux sports) et les facteurs individuels (les changements hormonaux, les changements physiques) ont un gros impact sur la motivation de faire du sport chez les filles. »   

La fausse représentation dans les médias des femmes qui pratiquent un sport nuit aussi à promouvoir le sport chez la femme, selon la chargée de cours.   

« On voit des filles qui font du sport, mais on ne les voit pas forcer, suer. La société s’est mise dans la tête que ce n’est pas propre une fille qui sue. Il y a aussi le fait que le sport collectif est associé à la masculinité parce que pendant longtemps, les femmes étaient bannies dans la majorité de ces sports », ajoute-t-elle.   

Le plus gros obstacle qui prévient les femmes de bouger et de poursuivre dans le sport selon Manon Bordeleau, c’est que l’éventail de sport accessible pour elle est restreint et peu varié.  

« Si on avait plus de sports variés et adaptés pour les femmes, tout le monde pourrait trouver son compte. Le monde du sport doit devenir plus inclusif et égal. Tout le monde devrait pouvoir jouir des mêmes encouragements, du même sentiment de bien-être et des mêmes opportunités, peu importe le sexe, le genre ou l’orientation sexuelle », explique la doctorante. 

Le vent qui tourne  

Même si les statistiques démontrent que les femmes sont plusieurs à cesser le sport vers l’âge de 25 ans, Manon Bordeleau et Anouk Parent ont observé dans leur entourage que cette tendance semble s’inverser. 

« Lorsqu’on est adulte, on a accès à plus de sports différents. Maintenant, avec la technologie, il y a aussi des inventions intéressantes et différentes qui font leur apparition sur le marché. Par exemple, l’avènement des montres intelligentes a permis à plusieurs personnes de réaliser qu’ils ne pratiquaient pas assez d’activités physiques. Voir visuellement à son bras ses résultats, c’est aussi encourageant », explique la chargée de cours à l’UQAC.  

« Le pôle, c’est un sport qui est, oui, individuel, mais qui se pratique en gang. Retrouver les filles avec qui je m’entraîne après le travail, ça m’encourage et ça me fait tellement du bien. Plusieurs de mes amis font maintenant du pole avec moi et on a du plaisir, ensemble, tout en pratiquant du sport », mentionne Anouk. 

Avec Xavier Savard et Jérémie Lussier

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