Après voir vécu en famille d’accueil | Sylvie ouvre sa porte et son coeur
Une jeune fille de 13 ans est dans une voiture. C’est une dure journée pour elle qui, encore une fois, doit dire au revoir à des gens qui étaient devenus sa famille. Le trajet de Saint-Honoré à Jonquière est long. Finalement arrivée à destination, Sylvie (nom fictif) rencontre sa seconde famille d’accueil qui lui ouvrira grand les bras, sans se douter que quelques années plus tard, ce sera à son tour d’héberger des jeunes chez elle pour redonner au suivant.
«Je me suis toujours dit que j’allais soit adopter, soit avoir une garderie ou devenir un foyer familial. J’ai toujours eu le désir d’aider, à mon tour», explique Sylvie. Elle est aujourd’hui mère biologique de deux enfants de 13 et 21 ans, mais également mère de famille d’accueil de deux jeunes.
Dans sa salle à manger illuminée, elle explique que ce désir d’aider les jeunes lui a été transmis par sa deuxième famille, pour qui la communication était primordiale. «C’était très important pour eux de parler avec moi, on partageait le plus possible pour se comprendre, ils m’ont vraiment inspirée», confie Sylvie, qui est aujourd’hui dans la cinquantaine. Elle est d’ailleurs restée jusqu’à 21 ans à Jonquière, dans ce foyer qui est rapidement devenu le sien.
Lorsqu’elle a rencontré Louis (nom fictif), son conjoint, ils ont vite remarqué que ce n’était pas seulement l’amour qui les unissait et qu’ils avaient beaucoup plus en commun que ce qu’ils croyaient. «Nous avons un peu le même parcours, mon conjoint aussi est allé en foyer familial, il n’a pas été très difficile à convaincre lorsqu’est venu le temps d’en devenir un à notre tour», se rappelle-t-elle, dans une maison où il est rare que le silence règne ainsi.
Cela fait maintenant dix ans qu’ils poursuivent cette aventure mouvementée.
Un long processus
Après avoir contacté la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et exprimé leur désir de devenir famille d’accueil, Sylvie et son conjoint ont dû suivre plusieurs étapes, tel qu’indiqué sur le site internet du CIUSSS. De l’inspection du dossier criminel aux rencontres en groupes, ils ont aussi dû remplir des questionnaires et des mises en situation pour permettre à la DPJ de les évaluer. Sylvie a remarqué que plus le temps avançait, plus les chaises se vidaient dans la salle: «Dès la deuxième rencontre, environ 50 % des gens étaient partis, par découragement ou parce qu’ils n’étaient pas qualifiés pour le rôle».
Selon la porte-parole du CIUSSS du Saguenay—Lac- Saint-Jean, Marie-Pier Maheux, environ 7 % des places sont présentement inoccupées parmi les gens qui souhaitent accueillir un enfant. «Au Saguenay—Lac- Saint-Jean, on compte 220 foyers familiaux et 462 places, donc on peut placer jusqu’à 462 enfants. Présentement, 430 enfants sont en famille d’accueil un peu partout dans la région», précise-t-elle. Une situation stable pour l’instant, mais qui varie selon la hausse des dossiers pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse.
Lors de leur inscription, les familles d’accueil peuvent imposer certains critères à la DPJ. Cela leur permet entre autres de choisir la fourchette d’âge et le nombre d’enfants qu’ils veulent et peuvent accueillir, cependant les voeux ne sont pas toujours exaucés. «Je préfère avoir des enfantsde5à15ans,jene voulais pas d’adolescents, mais je me suis déjà ramassée avec trois sacoches ici!», raconte Sylvie en riant.
L’adaptation familiale
Le premier contact avec l’enfant se fait dès qu’il franchit la porte. Il doit se sentir en confiance et en sécurité, un défi de taille à relever lors d’une première rencontre. Il arrive d’ailleurs souvent alors que les autres enfants sont à l’école, pour rencontrer graduellement tout le monde, et dans ce cas, c’est souvent Sylvie qui fait les premiers pas. «Je ne suis pas gênante, j’ai un bon sens de l’humour et ils me le disent souvent lorsqu’ils me rencontrent pour la première fois», raconte-t-elle. Elle a d’ailleurs développé des trucs au fils des ans, toujours basés sur la communication. Elle prend, par exemple, le temps de discuter avec ses nouveaux pensionnaires et de partager ses propres expériences.
Parmi tous les défis qu’un foyer familial doit relever, il y a aussi les préjugés des autres. «Les gens disaient souvent qu’on faisait ça pour l’argent, ça jouait beaucoup sur mon moral. Aujourd’hui j’ai appris à ne plus les écouter.» Sylvie a remarqué une évolution de l’ouverture des autres après toutes ces années, mais pense qu’il reste encore du chemin à faire en ce sens.
Les deux enfants biologiques de Sylvie ont réagi différemment à leur nouveau contexte familial. «Mon fils agit avec les enfants qui arrivent ici comme s’ils étaient ses frères et soeurs», explique Sylvie. Pour sa fille, qui est maintenant dans la vingtaine, les choses ont été bien différentes. Elle a d’ailleurs pris la décision de vivre en appartement non loin de chez ses parents pour être plus tranquille et loin des va-et-vient constants.
Les enfants de la DPJ restent, la plupart du temps, jusqu’à ce qu’ils atteignent la majorité dans leur famille d’accueil, si tout se déroule comme prévu. Sylvie a d’ailleurs, à l’occasion, gardé des jeunes un peu plus longtemps que prévu chez elle. Certains d’entre eux sont même devenus des membres de la famille à part entière. «Il y en a une en particulier qui vient souper régulièrement à la maison, elle fait définitivement partie de la famille», conclut Sylvie.