Associations étudiantes : prophètes de leur propre malheur
La démocratie est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, nous disait Abraham Lincoln. Qu’arrive-t-il, par contre, quand le peuple en question refuse de s’octroyer ce pouvoir? Cette situation, c’est celle de bien des associations étudiantes de la région.
Il y a certes un pas immense entre la situation dans laquelle se trouvait le défunt président américain et celle des collèges saguenéens et jeannois du 21e siècle. Il n’en demeure pas moins que la situation est préoccupante. On apprend dans l’article de ma collègue Rosie Saint-André que seulement 3% des étudiants du Cégep de Chicoutimi étaient présents à la dernière AGA de l’association du collège. À Jonquière, le quorum n’a pas été atteint la première fois et à Saint-Félicien, l’assemblée a tout simplement été annulée par manque d’engouement.
À qui le blâme? Les étudiants pourraient évidemment se présenter aux assemblées. Cela règlerait le problème de manière assez expéditive. Il demeure toutefois que les associations étudiantes ont leur (bonne) part de responsabilités.
Vision monochrome
Sans rien enlever à l’utilité de telles organisations, force est d’admettre qu’elles attirent la plupart du temps une partie bien précise de la population étudiante. Engagés à n’importe quelle cause, idéalistes, révoltés contre ce système qui n’a que faire des droits des élèves et humains, voilà un profil type d’un membre d’une association étudiante. De très belles qualités, avec lesquelles je m’identifie moi-même parfois. Seul problème : une bonne majorité de leurs collègues ne partage pas ces valeurs, du moins pas autant que notre membre d’association.
Il est là, le nerf de la guerre. Comment convaincre la plèbe de prendre du temps dans leurs journées chargées de cours, de projets et de devoirs pour s’exprimer quand la royauté croit dur comme fer posséder la vérité absolue? Pour avoir assisté à quelques assemblées, il n’est pas rare de voir un étudiant n’exprimant pas le même avis que ceux présents se faire museler autant par le comité exécutif que les quelques fidèles assistant habituellement aux messes des associations. Difficile par la suite d’inciter les opinions contraires à se confronter.
Revoir le système
Pour pallier ce problème, il faut prévoir une refonte du système des associations étudiantes. Ce que les collégiens veulent, ce n’est pas d’une organisation complexe qui tombe souvent dans la lourdeur administrative. Quand un élève veut s’exprimer sur un sujet, il lui importe peu de se faire lire le procès-verbal de la dernière assemblée ou de passer en revue plusieurs projets de règlements que seul le conseil exécutif comprend.
La vraie solution serait de faire des associations étudiantes des entités plus accessibles, à proximité des étudiants. Laisser la paperasse et l’administration à ceux qui veulent s’impliquer, car c’est essentiel au bon roulement de l’association, et de permettre aux membres de venir s’exprimer lors d’assemblées distinctes. Un peu comme une période de questions à un conseil municipal, qui s’étirerait sur toute la durée du conseil. Ces rencontres devraient aussi se faire à des heures où les étudiants n’ont pas de cours, par exemple en soirée. Elles seraient donc plus accessibles à tous.
Cela demanderait de changer le concept même d’une assemblée générale, certes, mais c’est le seul moyen de redonner envie aux étudiants de montrer de l’intérêt envers leurs associations. Cette proximité permettrait à plus d’élèves de se sentir interpellés par l’organisation, ce qui serait une victoire du point de vue de la diversité des opinions. D’ici là, les associations étudiantes seront condamnées à toujours tourner en rond, où 3% des étudiants se réconforteront mutuellement dans le confort de leurs idéaux communs.