12e assises internationales du Journalisme de Tours 2019 | Le pluralisme du journalisme remis en question

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De g. à d, Jérôme Pacouret et Olivier Pilmis, Mathieu Maire du Poset, Faïza Nait-Bouda et Béatrice Damian-Gaillard.

Pour faire du pluralisme la valeur première du métier de journaliste, il faut repenser les médias, les statuts, les dirigeants et la manière dont on traite l’information.

«Le pluralisme de l’information arme au mieux les citoyens et permet de les éclairer de façon optimale, mais le paradoxe c’est que les études montrent que la logique d’information est circulaire. Les citoyens se positionnent dans une bulle d’information et en sortent peu», explique la maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Nice Côte d’Azur, Faïza Nait-Bouda.

Du côté de l’économie avec le directeur de Tank Média, Mathieu Maire du Poset explique que les subventions étatiques sont mal distribuées. «On gave d’aides financières des médias pour leur survie alors qu’il faut utiliser cette énergie au bon endroit, notamment vers le numérique et les nouveaux médias émergeants. On risque d’avoir besoin de plus de développeurs que de journalistes.»

M.Maire du Poset ajoute cependant que les efforts vers les plateformes numériques sont en marche, au Monde par exemple, mais encore trop lents. «Je pense que l’avenir des médias est radieux mais la réorientation est nécessaire.»

On remarque aussi une modification du statut du journaliste. Alors même que 36 000 cartes de presse sont en vigueur en France, on dénombre plus de 48 000 personnes exerçant la profession, ces personnes sans carte de presse sont appelées les «invisibles».

Les pigistes et CDD sont monnaie courante dans le monde journalistique. Le chargé de recherche en sociologie des organisations à Sciences Po, Olivier Pilmis, compare la situation « précaire» du journaliste à celui de l’ouvrier d’usine. «C’est un intérimaire payé à la pièce et doit être disponible rapidement.»

La réalité économique est telle que l’on enseigne dans les écoles de journalisme des cours sur la rentabilité du travail. «On apprend aux étudiants la réalité du pigiste, notamment à vérifier si un article va être payant en fonction du coût temps/travail. Parfois on se rend compte qu’il faut abandonner un sujet car on le vendrait à perte», souligne la professeure en science de l’information et de la communication à l’université Rennes 1, Béatrice Damian-Gaillard. Cela permet aussi de briser le mythe du journaliste intellectuel. «À l’entrée des écoles, ils veulent tous travailler au Monde, Marianne ou devenir reporter de guerre. Le journalisme ce n’est pas que le microcosme Parisien mais le pluralisme», ajoute-t-elle.

Cependant l’homogénéité des journalistes est pointée du doigt par le chargé de recherches aux CNRS, Jérôme Pacouret. «Les écoles formatent-elles les futurs journalistes? Les grandes écoles recrutent après une prépa de 3 ans puis 3 ans de formation. Les profils se ressemblent car il faut assumer six ans d’études. De plus, une fois sur le marché du travail, il y a beaucoup de journalistes qui naviguent entre les médias que ce soit de BFM au Canard enchaîné en passant par le Nouvel Obs, ce qui prouve une homogénéité.»

Mme Nait-Bouda ajoute que ce manque de pluralité est dû aussi aux directions des médias. «Il y a une tension entre la noblesse du métier et la réalité d’un média en tant qu’entreprise qui doit être rentable. De plus, les dirigeants sont souvent originaires des grandes écoles comme l’ENA, cela transpire forcement dans la salle de rédaction.»

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