Les mauvaises pratiques en salle de gym banalisées
Salle de gym du Cégep de Jonquière (Photo : Thibault de Surville)
« Trois quarts des gens dans les salles de gym pensent bien faire, bien pratiquer, mais non », explique Philippe Bergeron. Très utilisées pour un maintien de forme et une prise de muscle, les machines des gym sont pourtant nombreuses à être mal pratiquées par les usagers.
Directeur du Centre Multi-Forme d’Arvida et entraîneur de sport, Philippe Bergeron constate que parmi sa clientèle, ce n’est pas moins de 75 % de mauvais pratiquants. Un chiffre qui est également remarqué par le thérapeute et coach de sport, Benjamin Prevost. « Je dirais que la majorité des personnes dans les salles de gym ne sait pas calculer du tout. Ce n’est pas un système prédéterminé pour. Donc il n’y a rien à mesurer au niveau de leurs objectifs pour les aider à s’améliorer chaque semaine. »
Cette constatation, le kinésiologue et massothérapeute Guillaume Poulin l’explique par le fait que la majorité des usagers ont tendance à trop intensifier leur propre séance. « Au niveau musculosquelettique, ce qui arrive, c’est que les personnes vont surcharger. Ils vont augmenter beaucoup trop rapidement. Ce qui fait qu’ils modifient leur mouvement, qui n’est plus bon. Les sollicitations musculaires ne sont donc pas les mêmes. Autrement dit, il y a des muscles qui vont travailler alors qu’ils ne devraient pas. »
Cette surcharge, elle s’explique ensuite par un mauvais mouvement réalisé, pas dans le bon angle et dans le bon axe. « Ça peut amener à des blessures au niveau musculaire. Et généralement, ce sont des blessures au niveau des tendons ou des ligaments. Et le problème, c’est qu’au niveau des ligaments, ça ne guérit pas », explique le kinésiologue et massothérapeute.
« À 12 ans, prendre de la masse, ça ne sert à rien »
Cette situation, elle est d’autant plus présente chez les jeunes. De plus en plus présent dans les salles de gym, leurs séances ne sont souvent pas adaptées à leur âge. « Pour les jeunes, c’est souvent de trop grandes charges qu’ils portent. Ça peut casser leur croissance », déclare Philippe Bergeron.
En pleine période de croissance, certains ne prennent pas en compte leur capacité actuelle et surchargent leurs entraînements. « À 12 ans, prendre de la masse, ça ne sert à rien. À la poussée de croissance au niveau de l’adolescence, le corps se transforme littéralement. C’est à ce moment-là qu’il ne faut pas faire de surcharge. […] Il faut y aller progressivement. Tu ne commences pas à t’entraîner en force. Tu apprends à ton muscle à travailler adéquatement et après ça tu peux en mettre plus », explique Guillaume Poulin.
« C’est l’effet Denning-Kruger »
Pour les professionnels du milieu, cette mauvaise pratique est principalement due aux faibles connaissances des machines et des mouvements à réaliser. « C’est l’effet Denning-Kruger. C’est quand quelqu’un connaît un petit peu de quelque chose et qu’il pense qu’il sait beaucoup. Et c’est quand tu prends plus d’informations que tu réalises que tu n’en sais pas trop. Il n’y a jamais trop d’informations. On peut toujours continuer à apprendre et surtout dans ce domaine », explique Benjamin Prevost.
Cet effet, également appelé effet de surconfiance, a été observé par deux psychologues américains, David Dunning et Justin Krager. Le phénomène Denning-Kruger, pour Guillaume Poulin, c’est à coup sûr une des causes principales des mauvaises pratiques. « Oui c’est sûr. C’est souvent le cas des personnes qui commencent à s’entraîner et qui veulent prendre de la masse rapidement. Quand il regarde sur Internet, c’est « Comment prendre de la masse ? ». Ils ne vont pas chercher plus loin. »