Microbrasseries | Trop d’offres pour la demande?

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Depuis une dizaine d’années, il est possible de remarquer une forte hausse de la popularité des bières de microbrasserie. De plus en plus, les gens délaissent les grands brasseurs comme Molson Coors et Labatt au profit de produits plus gouteux et diversifiés. Ce phénomène a entrainé une véritable explosion du nombre d’apparitions de nouvelles microbrasseries afin de répondre à la demande.

En 2002, on dénombrait au total 31 microbrasseurs au Québec, alors qu’on en dénombre plus de 230 aujourd’hui, selon le site web spécialisé «Les Brasseries du Québec». Seule la région administrative du Nord-du-Québec n’en a pas sur son territoire.

Face à cette augmentation fulgurante, il est légitime de se demander s’il y a encore de la place pour les multiples personnes qui se lancent dans le domaine chaque année, ou même si le marché n’est pas déjà complètement saturé. Afin de trouver les réponses à ces questions, La Pige s’est déplacée en Mauricie afin d’interroger deux acteurs du milieu.

Un marché en expansion

«Le marché de la bière est en expansion. Il y a de plus en plus de demande, de plus en plus de buveurs de bière, donc l’offre doit augmenter aussi.» C’est ce qu’affirme le copropriétaire et trésorier de la Forge du Malt Guy Lafrenière. Ce dernier s’est lancé dans l’aventure du houblon en 2016, en compagnie de deux de ses amis. Bien que leur entreprise soit encore jeune, elle est déjà bien établie dans la région de Trois-Rivières.

Bien que M. Lafrenière admette que le marché de la bière est en expansion, il reconnait qu’il ne sait pas à quel point il y aurait de la place pour un nouveau joueur dans la capitale mauricienne, qui compte déjà 5 microbrasseries. Deux d’entre elles, le Trou du Diable et l’Archibald, sont d’ailleurs déjà bien établies au niveau provincial. «Il y avait beaucoup plus d’espace sur le marché il y a quelques années. Aujourd’hui, pour quelqu’un qui veut se partir, sa survie va dépendre de son plan d’affaire et de sa façon de vendre. S’il arrive en pensant que ses produits vont se vendre tout seul, ça ne marchera pas», ajoute M. Lafrenière.

Les régions: Plus facile dans l’une que dans l’autre?

Lorsqu’on observe le nombre de brasseurs par région administrative, il est facile de constater qu’il y a encore beaucoup de place dans certaines d’entre elles. La grande majorité des brasseurs se concentre dans la Capitale-Nationale, à Montréal et en Montérégie. À elles trois, leurs microbrasseries représentent environ la moitié de celles présentes sur le territoire du Québec. Quelqu’un qui voudrait donc se lancer dans des régions comme la Côte-Nord, l’Abitibi-Témiscamingue ou le Centre-du-Québec aurait beaucoup plus de chance de survivre à long-terme, puisqu’il ferait face à moins de compétition sur un grand territoire.

Forcé d’arrêter: un domaine trop compétitif?

L’histoire de Frédéric Soubrier en est une bien différente de celle de Guy Lafrenière. L’homme de Trois-Rivières s’était lancé dans le domaine de la bière avec son frère en 2002, en fondant la microbrasserie Les Frères Houblons. Cette dernière a été plutôt prolifique jusqu’en 2018, lorsque les frères Soubrier ont dû prendre la décision de quitter le domaine. Au départ, ils produisaient de la bière fermentée en bouteille et en fût, mais ils ont plus tard décidé de laisser tomber le deuxième aspect puisqu’il était, selon M. Soubrier, trop compétitif.

La microbrasserie a malgré tout réussi à survivre au fil des années. Ce n’est que plus tard, lorsque le marché a commencé à délaisser les bouteilles pour se diriger vers les canettes, que les frères ont choisi de mettre la clé dans la porte. «Notre chiffre d’affaire augmentait d’environ 8 à 15% par année, mais à un moment donné, on était rendu à la croisée des chemins. Il fallait investir pour tout informatiser notre équipement et rendre la production moins manuelle. Ça nous aurait coûté environ 500 à 600 milles dollars, tout ça pour commencer à produire en canettes», explique M. Soubrier.

Celui qui s’est aujourd’hui recyclé dans la fabrication de canots croit que le marché actuel est devenu bien trop saturé. «L’offre est devenue trop grande pour la demande. Elle monte un petit peu chaque année, mais pas aussi vite que l’offre, qui elle a explosée», affirme-t-il. M. Soubrier n’est donc aucunement triste ni déçu d’avoir quitté le domaine du brassage. «Je voulais me partir dans la fabrication de canots il y a quatre ou cinq ans, mais ça aurait été difficile d’avoir deux entreprises à temps plein. En vendant l’équipement de microbrasserie, ça nous a permis de s’équiper en équipement de fabrication de canots», raconte-t-il.

Rester dans la partie: comment se lancer et survivre?

Plusieurs trucs et solutions, autres que de s’installer dans une région administrative moins saturée, peuvent aider à se lancer sur le marché des microbrasseries et survivre pour les années à venir. Guy Lafrenière suggère qu’il faut surtout travailler sur son marché local avant de voir grand et de prendre expansion à d’autres endroits.

Il précise aussi qu’il faut être prêt à investir énormément de temps dans son projet et que de travailler à temps plein ailleurs tout en s’investissant n’est pas nécessairement une bonne idée. «Quelqu’un qui se part un pub, qui vend ses produits uniquement sur place et qui devient connu de la population avant de se lancer dans la vente sur tablette, ça crée également un certain avantage», ajoute-t-il.

En conclusion, bien qu’il ne semble plus y avoir beaucoup de place pour de nouveaux brasseurs dans le domaine, la réussite d’un nouvel arrivant sera toujours une question de la qualité son plan d’affaire et de l’endroit où il décide de mettre pied.

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