Les sexologues | Indispensables aux écoles ?

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Des sexologues soutiennent que l’introduction de leur profession et de leurs outils pédagogiques dans les établissements scolaires du Québec permettrait d’améliorer la livraison du contenu du nouveau programme d’éducation à la sexualité dans les classes et de mieux encadrer les enseignants. Ils déplorent toutefois que leur savoir-faire soit souvent négligé.

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La sexologue Kanika Saphan. (Photo : Edward Sanger)

C’est notamment l’opinion de la sexologue Kanika Saphan. Elle doute que la formation donnée aux enseignants, d’une durée de trois jours, suffise pour qualifier les professeurs à enseigner la matière. «Même si certains sont volontaires, rien n’indique que ce sont des personnes bien placées pour donner cette matière-là. L’éducation à la sexualité, c’est aussi l’enseignement de valeurs. Les sexologues sont formés pour transmettre ça», affirme-t-elle.

La membre du conseil d’administration de l’Association des sexologues du Québec (ASQ), Isabelle Arcoite, assure que les sexologues ont les qualifications nécessaires pour enseigner en classe. «Il y a huit ans, le baccalauréat  en sexologie était délivré avec un brevet d’enseignement, au même titre qu’un diplôme en enseignement. Notre formation nous octroie une expertise en préparation et en développement d’intervention avec tout le côté pédagogique pour enseigner. […] Les stages sont d’une durée de 500 heures et sont souvent en milieu scolaire», explique-t-elle.

La sexologue et membre du conseil d’administration de l’Association des sexologues du Québec (ASQ), Isabelle Arcoite. (Photo : Edward Sanger)

Elle déplore également que les membres de leur ordre professionnel ne soient pas au même pied d’égalité que les psychologues ou les orthopédagogues, qu’on retrouve dans les écoles.

Selon Mme Arcoite, il n’est pas nécessaire pour l’ASQ de remplacer les professeurs dans la tâche d’enseigner la sexualité en classe, puisque la présence des sexologues est “complémentaire”. «Il a été prouvé que les élèves développent une relation de confiance avec leurs enseignants. Ce ne sont pas de “mauvaises” personnes pour le faire. On veut surtout soutenir les écoles, peut-être enseigner nous-mêmes certains contenus plus sensibles et s’assurer que la matière est intégrée uniformément d’un prof à l’autre dans tous les établissements.»

Selon les deux professionnelles, le manque de reconnaissance de leur profession et la connotation souvent erronée du mot «sexe» sont d’importants obstacles qui empêchent les sexologues d’intégrer le réseau scolaire québécois.

«Les gens que j’informe sur le programme me disent souvent : “On ne devrait pas appeler ça éducation à la sexualité. On devrait appeler ça éducation à la vie”»

  • Kanika Saphan

«Les gens entendent encore seulement les 3 premières lettres du mot “sexologie”. Les gens croient qu’on veut montrer à nos enfants à avoir des relations sexuelles.»

  • Isabelle Arcoite

«On est vraiment les seuls à avoir l’expertise qu’on a. Le Québec est le seul endroit au monde où il y a un ordre professionnel des sexologues.»

  • Isabelle Arcoite

Le baccalauréat en sexologie de l’Université du Québec à Montréal est l’unique programme d’étude de la sexualité au monde en son genre. En 2019, cette université a reçu près de 890 demandes d’admission pour le programme, mais en a retenu seulement 150. Dire qu’il n’y aurait pas suffisamment de sexologues pour répondre à une éventuelle ouverture de postes dans les écoles n’est donc pas un argument valable pour Isabelle Arcoite. «Il y a de l’engouement pour la profession, mais s’il n’y a pas de postes d’ouverts, ça ne donnerait rien de faire graduer 500 personnes chaque année», dit-elle.

Kanika Saphan croit que le gouvernement n’agit pas pour introduire les sexologues en milieu scolaire par «manque de connaissances ou de volonté politique». 

ON SEXplique ça

Même si les écoles qui usent des services de sexologues sont rares, des organismes à but non lucratif animent les classes depuis déjà bien longtemps à l’aide d’ateliers interactifs ou de capsules vidéo clefs en main.

C’est ce en quoi se spécialise ON SEXplique ça, fondé et administré depuis 2015 par Isabelle Arcoite, Émilie Veilleux et Laurence Desjardins. On trouve sur leur site web des capsules vidéo, des ateliers et des plans de contenu abordant les différentes thématiques du programme d’enseignement à la sexualité du MÉES pour les jeunes du secondaire. Ces outils numériques peuvent être utilisés par le corps enseignant.

«Avec le retour de l’enseignement à la sexualité dans les écoles en 2018, on voulait venir en aide aux professeurs maintenant chargés de donner la matière. Certains membres du personnel étaient inquiets face à cette tâche-là, alors on s’est dit qu’on allait essayer de répondre au manque de formation et d’outils», raconte Mme Arcoite.

Les capsules vidéo sont aujourd’hui utilisées dans d’autres pays francophones comme la France. Leur capsule vidéo la plus populaire a été visionnée à plus de 500 000 reprises.

Sex URL

Deux sexologues, Estelle Cazelais et Florence Valiquette, organisent depuis 2014 des ateliers, des conférences et des séances de formation en éducation à la sexualité dans le milieu scolaire et professionnel dans la région de Montréal, tout en créant du contenu numérique. Elles discutent des sujets tabous de la sexualité et amènent leur auditoire à la réflexion.

La sexologue et co-fondatrice de Sex URL, Estelle Cazelais. (Photo : Edward Sanger)

«On répond à un besoin dans les écoles. Il y a des thématiques plus gênantes pour les enseignants qu’on peut aider à couvrir. […] Il y a des thèmes qu’on n’aborde presque jamais, comme le plaisir, la pornographie et la sexualité positive. On souhaite les déconstruire», explique Estelle Cazeles.

Et pourtant …

L’année 2020 marque les 50 ans du Département de sexologie de l’UQAM. C’est depuis 1971 que le débat est ouvert pour intégrer les sexologues dans le réseau scolaire québécois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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