Une fourchette d’histoire

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Les mets préparés sont une industrie en plein essor.
Photo : Samuel Morin

Les mets préparés sont présents dans les épiceries depuis de nombreuses années. L’émergence des prêts à manger ne fait qu’augmenter. Qu’est-ce qui fait en sorte que l’on en voit de plus en plus? Il faut remonter bien loin pour comprendre ce phénomène. L’industrialisation, l’émancipation des femmes et la technologie sont toutes des parties de l’histoire qui ont mené à cette émergence des mets préparés.

Samuel Bouchard-Beaudoin

L’arrivée des femmes sur le marché du travail a créé tout un bouleversement dans la vie familiale de la population de l’époque. Cependant, les femmes ont été poussées à quitter la maison pour remplacer les hommes qui étaient au combat lors de la Seconde Guerre mondiale de 1939 à 1945. Lors du retour de la guerre, les femmes sont retournées au foyer, mais dans une optique complètement différente. «On ne veut plus que la femme soit l’esclave de sa cuisine ou de ses tâches ménagères. On veut que la femme au foyer soit heureuse, épanouie et qu’elle puisse s’instruire», a expliqué le professeur d’histoire à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), François-Olivier Dorais. Pour celles qui sont salariées, le phénomène va venir bouleverser le modèle de famille patriarcal au retour de la guerre parce que l’homme n’est plus le seul revenu de la maison. Un exemple si simple est celui de La Bolduc. «Le mari de La Bolduc a vécu une crise d’identité à voir quel était son rôle dans la famille parce qu’il n’était plus le seul pourvoyeur de revenu», a raconté le professeur.

Par la suite, la deuxième révolution industrielle de 1860 à 1950 est venue faciliter le travail de la femme au foyer. Les électroménagers par exemple. Cependant, il y a eu des ratés par rapport à cela parce que la femme au foyer avait beaucoup de ressources matérielles, mais elle était malheureuse chez elle. Donc, petit à petit les femmes se sont greffées de plus en plus au marché du travail. «On devra attendre jusqu’aux années 70-80 avant de voir des femmes intégrées plus massivement plusieurs secteurs d’emplois», a affirmé M. Dorais.

L’effet boule de neige

Il est simple de conclure que l’arrivée des femmes sur le marché du travail a fait évoluer l’industrie de l’alimentation. «Les femmes ont moins de temps pour cuisiner alors l’industrie veut les aider à concilier leurs nouvelles occupations professionnelles et leurs responsabilités au foyer», a confirmé le professeur de l’UQAC. Cependant, ce n’est pas le seul critère. La technologie fait en sorte que l’on veut libérer du temps pour la femme comme si elle vivait une vie de classe aisée. «Se libérer du temps par la technologie, c’est un idéal des stratégies marketing de l’après-guerre. On veut amener les gens à consommer plus d’appareils techniques comme des réfrigérateurs, des cuisinières, des laveuses et des sécheuses pour s’acheter du temps de loisir. On va voir aussi l’explosion des repas congelés à cette époque», dit-il.

Un autre aspect qui va venir changer les habitudes alimentaires des familles est l’arrivée de la télévision. «On ne mange plus un repas préparé ensemble, on mange ensemble devant la télévision», a spécifié M. Dorais. C’est l’arrivé des TV diner dans les années 50 qui consistent à manger son repas devant la télévision. C’est une des raisons qui explique l’augmentation des plats surgelés et des prêts à manger.

Les plats surgelés sont d’ailleurs une réaction de l’industrie des super marchés à l’essor des chaines de fast food dans les années 60-70. «Les familles se nourrissaient de plus en plus des McDonald’s et de cette industrie en délaissant les super marchés. Les épiceries vont contre-attaquer en renouvelant leur offre en matière de repas surgelés», a expliqué François-Olivier Dorais.

Malgré la grande popularité du TV diner, une prise de conscience de la population a été réalisée dans les années 80 en raison de tous les mauvais nutriments comme le sel, le sucre et le gras que l’on peut retrouver dans les plats surgelés. «Tout ça va nous amener dans des habitudes alimentaires néfastes pour la population, la santé publique va en prendre un coup», a exprimé le professeur d’histoire au Cégep de Jonquière, Jérome Gagnon.

Les mets préparés aujourd’hui

Ce n’est pas pour rien que l’on voit régulièrement des allées de mets préparés. Il s’agit d’une industrie qui est en constante augmentation. «Au Québec, il se vend pour 2,2 milliards de dollars en repas déjà préparés à l’avance. Depuis quelques années, il y a même des espaces dans les épiceries pour manger les repas que l’on vient d’acheter», a affirmé le professeur au niveau collégial. Au contraire, le marché des produits de base comme la farine est en chute libre.

Au-delà de l’industrie des mets préparés, les restaurants aussi sont de plus en plus populaires. «En 2018, 29% des revenus des familles canadiennes vont dans la restauration», a expliqué M. Gagnon. Les mets préparés plus les restaurants font en sorte que la cuisine traditionnelle est de plus en plus délaissée. Tout ça pour sauver du temps.

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