Impression d’argent : une fausse bonne idée
Pourquoi les pays n’impriment tout simplement pas plus d’argent pour régler les dettes nationales? Après tout, ce sont eux qui contrôlent l’édition de devises, non? Et bien, il s’avère que ce processus est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît et que l’injection massive de capitaux dans l’économie d’une nation aurait des conséquences catastrophiques sur celle-ci.
Il est avant tout essentiel d’établir qu’un pays ne contrôle pas lui-même l’impression de ses billets de banque. La gestion de cet aspect est entre les mains de la banque centrale de l’État. Au Canada, il s’agit de la Banque du Canada. « Cette institution, qui est un organisme indépendant du gouvernement, a comme rôle principal de veiller sur la politique économique du pays. En très simplifié, elle fait des commandes pour imprimer de l’argent, qu’elle prêtera au gouvernement avec de l’intérêt », explique l’enseignante en économie au Cégep de Jonquière Celine Rodriguez.
Imaginons toutefois un monde parfait, dans lequel la Banque et le Canada s’entendaient pour injecter des milliards en nouvel argent dans l’économie pour régler les problèmes du pays. Au départ, l’initiative aiderait, certes. Par contre, à moyen et long terme, d’immenses problèmes apparaitraient. « Ce qui arrive quand il y a trop de quelque chose, c’est qu’il perd de sa valeur », souligne le professeur en finances à l’UQAC Vincent Morin.
Cette dévaluation entraînerait en premier lieu un désintérêt des investisseurs étrangers à placer leur argent au Canada. « Si un Américain investit un million au Canada et qu’en fin de compte il repart avec 500 000$, ça ne serait pas super pour encourager les gens à investir chez nous », illustre M. Morin. Il ajoute que, pour un Canadien, cette baisse de la valeur du dollar ferait en sorte que n’importe quel produit étranger coûterait beaucoup plus cher.
À l’interne, une fois passée la période où les gens dépenseraient leur argent fraîchement imprimé, l’inflation monterait en flèche. Habituellement autour de 2% par année, elle pourrait atteindre des seuils ridiculement haut. « Si tout le monde se met à acheter n’importe quoi, n’importe comment, on envoie un signal à l’économie que le pouvoir d’achat est plus fort, donc les prix montent. Oui, peut-être que tu aurais une augmentation de ton capital, mais si une pinte de lait coûte 200$, ça ne sert plus à rien », affirme le professeur, en comparant cette situation à celle de certains pays africains et sud-américains.
Radier la dette, est-ce faisable?
La dette d’un pays ne peut se faire oublier. Comme le soutient Celine Rodriguez, puisque la Banque du Canada est un organisme indépendant du gouvernement, donc à but lucratif, il serait impensable pour elle de blanchir son client le plus important.
Sachant qu’on ne peut effacer la dette nationale, peut-on au moins tenter de la payer? « Pour effacer collectivement cet endettement, il faudrait couper dans tout et faire des surplus budgétaires. Ce serait difficile de convaincre les contribuables de continuer à subir de l’austérité dans une administration en surplus d’argent », explique Vincent Morin.
Ce dernier est même d’avis qu’avoir une dette bien gérée est bénéfique pour l’économie. « Nous n’avons pas le choix de nous endetter un peu pour faire rouler l’économie. En comparaison, si tout le monde attendait d’avoir 300 000$ cash pour acheter une maison, il n’y aurait pas beaucoup de maisons. » Il croit d’ailleurs que c’est un bon indicateur de la santé économique d’un pays.