Thermopompes : une citoyenne en croisade contre Saguenay

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Lucette

Lorsque son mari lui a offert une thermopompe en 2014, Lucette L’espérance ne s’attendait pas à ce que cette structure lui cause des maux de tête sept ans plus tard. Une véritable saga se joue présentement entre la Ville de Saguenay et la citoyenne au sujet de son air conditionné. 

 « Depuis 2016 que je me fais achaler. C’est de l’injustice. Je suis fatiguée, plus capable de tout ça », laisse tomber en soupirant Lucette L’espérance. L’histoire que vit la septuagénaire est, en apparence, bien simple. En réalité il s’agit d’une épopée méandreuse qui oppose Mme L’espérance à un ancien voisin et à des élus municipaux. 

 Le 11 novembre 2016, le voisin de l’époque de Lucette L’espérance dépose une plainte au sujet de la thermopompe de cette dernière. Elle ne respectait en effet pas la distance de trois mètres de la ligne du terrain prévue par le règlement VS-R-2012-3. Les deux voisins n’en étaient pas à leurs premiers démêlés 

 Quelque part en 2018, le nouveau conseiller du district 11, Marc Bouchard, est allé rendre visite à Mme L’espérance, qui demeure dans le quartier des oiseaux à Chicoutimi, pour lui demander de couper ou de relocaliser son air conditionné. « Je lui ai offert des solutions, comme la mettre sur le toit adjacent à son garage, de sorte qu’elle serait assez haute pour ne pas être ensevelie en hiver. Elle aurait été à l’arrière de son terrain à 12 pieds de haut, personne n’aurait eu de problème », explique M. Bouchard. Selon Mme L’espérance, il aurait été impossible de réaliser ces changements. « Le banc de neige aurait atteint la thermopompe, soutient-elle, en contredisant son conseiller. Je ne pouvais pas la changer de place. » 

 Devant le refus de Mme L’espérance, une amende de 708$ lui a été décernée. Or, le 16 mai 2019, la citoyenne a fait débrancher son air conditionné. N’étant pas capable de la vendre, elle l’a laissé sur place avec une bâche par-dessus. La contravention étant déjà attribuée, il était trop tard pour la dame.  

 Durant l’été dernier, pour recevoir son petit-fils gravement malade, Lucette L’espérance a rebranché sa thermopompe avec l’accord de son nouveau voisin.   

 Changement dans le règlement 

En septembre 2020, Lucette L’espérance s’est rendue à la séance du conseil de ville de Saguenay pour réclamer un changement au règlement sur les thermopompes. Elle avait en main une liste de 70 adresses avec des installations qui contrevenaient à la réglementation. En mars 2021, les trois mètres de distance obligatoire se sont transformés en un mètre. Même si c’est son plaidoyer qui aura fait changer les choses, Mme L’espérance devra quand même payer son amende. 

 Cette situation est inacceptable selon le conseiller Marc Pettersen. « On pourrait changer le nom du règlement pour Lucette L’espérance tellement c’est elle qui a fait bouger les choses. Ça n’a pas de bon sens qu’elle ait à payer », s’est-il insurgé.  

 Mme L’espérance est heureuse de voir le changement, mais se dit quand même victime d’une injustice. « Les 70 autres personnes n’auront pas à payer d’amende grâce à moi. Je ne vois pas pourquoi moi je dois payer », affirme-t-elle.  

 Marc Bouchard défend le fait que l’amende tienne toujours. « Il faut comprendre que la culpabilité de Mme L’espérance est juridiquement déclarée depuis longtemps. Aussi, nous avons envoyé nos inspecteurs et sa thermopompe est encore illégale, même selon les ajustements du règlement », explique le conseiller.   

 

Marc Bouchard

Le conseiller Marc Bouchard ne comprend pas toute l’animosité autour de cette amende, qui découle, selon lui, d’une chicane de voisin. (Photo : Facebook)

 

Hors de question de payer 

Malgré tout, Lucette L’espérance refuse de payer la contravention. « Je suis prête à me faire saisir ma cuisinière ou à réaliser des travaux communautaires s’il le faut. Je prendrai le 700 $ de l’amende pour payer la nourriture et les médicaments de mon petit-fils né sans œsophage. Aucune chance que cet argent ne serve à autre chose, surtout pas à payer une contravention issue de l’acharnement de certains élus », clame la citoyenne. Marc Bouchard affirme toutefois que l’amende n’est pas dans le but d’achaler Mme L’espérance, mais qu’elle découle plutôt d’une vieille chicane entre voisins.  

 

Elle ne voit d’ailleurs pas le but de la Ville à ne pas rembourser ou annuler son amende. Or, lors du dernier conseil de ville, la greffière de Saguenay, Me Caroline Dion, a statué qu’un conseil municipal n’avait pas les pouvoirs pour gracier une citoyenne et que le remboursement serait peut-être possible, mais très compliqué.  

 Pour le moment, Lucette L’espérance laisse aller l’affaire en attendant de voir ce qui en découlera. Elle utilise toujours sa thermopompe, qui est un modèle silencieux, sans que ses nouveaux voisins ne s’en plaignent. « Il y a des gens qui meurent en CHSLD parce qu’ils n’ont pas de climatisation. Moi j’en ai une, et on fait tout pour me l’enlever. J’ai 72 ans. C’est épouvantable qu’une ville qui se dit au service du citoyen me fasse subir ça », échappe émotivement la dame.  

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