COVID longue : Des mots sur les maux
Johann Hamel, un homme de 45 ans originaire d’Arvida, a reçu un test positif à la COVID-19 en novembre 2020. Aujourd’hui, début octobre 2021, le père de famille n’a toujours pas retrouvé sa vie d’avant. Il souffre de COVID longue, une maladie trop méconnue pour le nombre de personnes qu’elle touche.
La COVID longue est un syndrome affectant les personnes qui ont eu la COVID et qui n’en guérissent pas totalement. Plusieurs mois après l’infection, les patients gardent des symptômes cardiaques, respiratoires, musculaires, cognitifs, et plein d’autres encore, qui les empêchent de reprendre une vie normale.
« J’ai des essoufflements et des problèmes au cœur, décrit Johann. Je ne saurais pas dire ce que c’est, mais je n’avais pas ça avant. Tout est différent. Même la lecture, à un moment, est devenue difficile. Je lisais des histoires à mes enfants, je reconnaissais les mots, mais je n’étais pas capable de les dire. La connexion ne se faisait plus. » En plus de symptômes lourds, il a dû réadapter tout son mode de vie. « J’ai commencé à commettre des erreurs au travail, chose qui ne m’arrive jamais habituellement. À partir de là, les gens se sont rendus compte que ça n’allait pas », témoigne Johann. Depuis, il continue de travailler, mais les tâches lui ont été allégées.
Tous n’ont pas cette chance. Sylvie Coulombe habite Chicoutimi et a attrapé le virus de la COVID le 24 décembre 2020. À la suite de plusieurs complications, elle a dû être plongée dans un coma artificiel le 2 janvier, et s’est réveillée 10 jours plus tard. Elle raconte une réadaptation corporelle difficile, mais habituelle pour quelqu’un qui sort du coma, selon elle. Ce qui est moins habituel par contre, c’est la persistance de symptômes handicapants encore six mois après l’infection.
« Certaines journées, j’ai l’impression que dès que je touche quelque chose, même une couverture, mes doigts vont casser. Je ressens qu’ils sont faibles, je ressens une vraie douleur de fracture », confie la travailleuse sociale de 44 ans.
Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir mal vécu la période d’infection de la COVID-19 pour contracter des symptômes de COVID longue. Pour Stéphanie Bellefleur, ce sont des symptômes moins « violents », mais sensiblement la même histoire.
« J’étais persuadée que si je n’allais pas aux soins intensifs, si je n’étais pas hospitalisée, je pensais que j’allais juste guérir puis reprendre ma vie normale », avoue celle qui est aussi médecin urgentiste à l’hôpital de Chicoutimi.
Épuisement
Tous les trois présentent quand même un point commun : l’immense fatigue physique ressentie pour le moindre effort qui est le symptôme principal de la COVID longue. « Des fois, juste faire des activités normales, de la vie quotidienne, à la maison avec les enfants, ça peut entraîner une grande fatigue qui va persister sur plusieurs jours, raconte Stéphanie. J’ai aussi beaucoup de difficulté à faire des choses dans un environnement bruyant, ou quand il faut gérer plusieurs stimuli extérieurs. »
Des déplacements naturels demandent beaucoup plus d’efforts. « Monter les escaliers, au début, c’était un fardeau incroyable. Je devais m’arrêter en haut et me reposer plusieurs minutes pour récupérer. Maintenant, après un peu de remise en forme, ça s’est amélioré, mais ce n’est pas mon énergie d’avant », raconte Johann. Cette énorme fatigue chronique explique pourquoi les patients atteints de COVID longue ne peuvent pas retourner au travail, comme Stéphanie, arrêtée depuis mars.
Pour Sylvie, les efforts à donner afin de se battre contre ce sentiment de fatigue constant étaient décuplés. « En mars, l’approche de mon traitement a été centrée sur la gestion de mon énergie. À partir de là, j’ai vu que je progressais, que j’arrivais à marcher davantage. Puis malheureusement, au mois d’août, j’ai fait une journée trop grosse pour ce que j’étais capable, j’ai mal écouté mon énergie. Depuis ce temps-là je suis constamment dans un malaise post-effort qui ne disparaît pas. En résumé, il m’a suffi d’une journée pour enlever tous les progrès que j’avais fait depuis six mois. » Un combat constant, autant physique que psychologique.
Quand la fatigue physique devient mentale
Encore sur le plan psychologique, il existe une situation différente pour chaque patient. Sylvie et Stéphanie déclarent quelques découragements lors de journées plus difficiles, une peur de l’inconnu créée par le manque de réponse, mais finalement beaucoup d’espoir en l’avenir. Johann, de son côté, a vécu plusieurs épisodes de dépression courts, mais intenses : « Ça a duré seulement trois jours, mais j’étais vraiment bas. Au point où je suis allé voir ma conjointe et je lui ai dit “écoute, je vais faire une entente avec toi pour continuer à vivre. On fait un pacte pour que je me rende jusqu’à demain, puis demain on va faire un pacte pour que je me rende jusqu’à après-demain.” », a-t-il avoué, les larmes aux yeux.
Que ce soit Johann, Sylvie ou Stéphanie, ils déplorent tous une seule et unique chose : le manque de ressources au Saguenay-Lac-Saint-Jean pour les accompagner et leur offrir quelques réponses supplémentaires.