Les défis du transport en commun

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10 villes au Québec possèdent un service de transport en commun regroupés sous l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ). (Photo d'archives : Kevin Duquette-Goulet)

« Le transport en commun, ce n’est pas seulement un avantage environnemental, mais également, à long terme, économique et social », a affirmé le directeur du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Martin Trépanier. Pourtant, cette alternative peine à trouver sa place dans la vie quotidienne des Québécois.

Étienne Meunier

Etiennemeunier07@gmail.com

 

« C’est d’abord un manque de financement et de volonté politique », a lancé M. Trépanier. Les experts et les spécialistes, dont ceux du centre de recherche qu’il dirige, formulent des projets, mais la décision définitive revient au gouvernement qui s’abstient face à l’impopularité des projets. « Il n’y a pas assez d’infrastructures, depuis des décennies, le transport en commun, on l’a négligé », a avoué M. Trépanier. Le manque d’options frappe les usagers qui reviennent à leur voiture.

Le Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), dont Martin Trépanier est le directeur, regroupe les chercheurs de près de 9 établissements d’études supérieures. (Photo : Courtoisie)

« Il s’agit du principe de l’œuf et de la poule », a appuyé le professeur titulaire et chercheur en Mathématiques et génie industriel de l’École Polytechnique de Montréal, Michel Gendreau, qui travaille, avec ses étudiants, à l’évolution de la mobilité durable. « Un cercle vertueux », étant donné que les réseaux de transport ont besoin d’être plus utilisés pour obtenir des subventions, alors que ce sont ces mêmes subventions qui améliorent la qualité des services et, du même coup, augmentent la fréquentation des réseaux.

Au Québec, 34% des émissions de gaz à effet de serre sont causées par le transport routier. Près de 5 millions de voitures circulent sur les routes et ce nombre augmente d’année en année tout comme les problèmes qui y sont attachés, d’après les explications de M. Trépanier.

 

Histoire de valeurs

Autoroutes à plusieurs voies, service au volant et occupation du vaste territoire, l’Amérique du Nord s’est développée autour de l’automobile. La culture de la voiture est forte, mais selon le directeur du CIRRELT « avoir un char ce n’est pas un besoin essentiel, se déplacer : oui ».

En Europe, la volonté politique et sociale entourant les moyens de transport collectif est plus grande d’après le directeur du CIRRELT. Les infrastructures européennes sont financées par des taxes relatives à la voiture. Selon l’expert en transport, le fossé entre l’Europe et le Québec réside dans le principe de l’utilisateur payeur. L’utilisation de l’essence, des routes et la congestion routière engendrent des dépenses qui doivent être assumées par les utilisateurs. « Le coût est lié aux impacts négatifs », a affirmé M. Trépanier.

Bien que les prix des voitures au Québec soient en hausse, « l’utilisation de la voiture ne coûte pas encore assez cher actuellement », a témoigné le directeur du CIRRELT. D’après une étude de Hardbacon, le coût d’une voiture à Montréal s’élèverait à 1 302 $ mensuellement, pour un total de 15 624 $ par année. Le coût d’entretien a augmenté de 68% depuis 2019.

Des chiffres déconcertants pour l’utilisateur, mais possiblement positifs pour l’usage du transport collectif, selon le professeur titulaire, Michel Gendreau.

Michel Gendreau compare un des problèmes du transport en commun au slogan de l’ancienne publicité des saucisses Hygrade : « Plus de gens en mangent, parce qu’elles sont plus fraîches. Elles sont plus fraîches, parce que plus de gens en mangent ». (Photo : Courtoisie)

Réinventer les méthodes et s’adapter à la densité de population

« Le transport en commun, c’est attrayant dans la mesure où il y a une bonne offre de service. Puis quand on la compare aux moyens alternatifs, elle est encore plus alléchante », a expliqué M. Gendreau.

D’après le professeur titulaire, les villes trop grandes en superficie pour leur nombre d’habitants handicapent leur réseau de transport. « On peut organiser le modèle de transport en commun comme il y a 50 ans, avec des ensembles de lignes et des horaires fixes, mais on peut organiser un modèle encore plus flexible », une solution qu’a lancée M. Gendreau pour contrer le manque de densité.

 

Le cas type de la ville de Saguenay

Pour près de 150 000 habitants, la Société de transport du Saguenay (STS) dessert une superficie d’environ trois fois l’île de Montréal. Malgré le défi de taille, le conseiller municipal et président du conseil d’administration de la STS, Claude Bouchard, affirme que l’utilisation des autobus est « en hausse et qu’ils n’ont jamais été aussi remplis, […] on est revenu à notre rythme d’avant pandémie ».

Claude Bouchard est président du conseil d’administration de la STS depuis 2022. (Photo : Facebook – Claude Bouchard, Conseiller municipal, District 2)

Toutefois une pétition avait été lancée pour contester les changements des circuits dans l’arrondissement de Jonquière cet été. Mais M. Bouchard croit aux résultats et affirme qu’« on ne peut jamais faire l’unanimité en transport ».

Plusieurs projets ont été mis en branle pour améliorer l’usage du réseau, notamment en collaboration avec les établissements d’éducation supérieure de la ville. Selon le conseiller municipal, « Saguenay n’est pas une ville où il y a une culture du transport en commun ».  D’ailleurs, le conseil municipal a refusé d’appliquer une taxe sur l’immatriculation, comme d’autres municipalités au Québec l’ont fait pour financer les services de transport. M. Bouchard ne se dit pas fermer à mettre en application une taxe dans les prochaines années, mais il souhaite voir comment le projet évoluera dans les autres villes du Québec.

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