Collaboration spéciale: Retour de la chasse, les marmottes dans le viseur

Pour l’instant, le gouvernement ne veut pas entendre parler d’interdiction de la chasse à la marmotte, cette espèce n’étant pas classée comme menacée. (Photo : AJAS)
Par Carla Spindler, en France carlaspindler31@gmail.com
En Savoie, la chasse à la marmotte a une nouvelle fois été autorisée cette année, tandis que des associations animalistes font de son interdiction un cheval de bataille.
On dit que son goût est proche de celui du lapin. Un bon civet de marmottes aux girolles ou à la moutarde, les chasseurs en raffolent. Pendant encore un mois, la marmotte va donc devoir esquiver quelques balles avant de pouvoir hiberner.
Cette petite bête, grassouillette à cette époque de l’année, est considérée comme une icône des montagnes, mais aussi comme un nuisible pour certains agriculteurs. Les chasseurs, eux, souhaitent aussi en réguler la population et cette année encore, la voie est libre. La préfecture de la Savoie autorise de nouveau la chasse aux « siffleux ». Quelques restrictions demeurent tout de même : elle est ouverte sur une courte période, pendant deux mois, et seulement quatre jours par semaine.
Depuis septembre, les fusils sont donc chargés du côté des chasseurs savoyards. Les mêmes qui, selon la revue de la Fédération de chasse, auraient tué 523 marmottes en Savoie en 2023, soit une hausse de 22% par rapport à la saison précédente. « La population de marmottes est importante. Sa chasse ne met pas en péril son nombre. Elle concourt à réguler sa population, là où elles commettent des dégâts », justifie Régis Clappier, président de la Fédération des chasseurs de Savoie.
Mauvais calculs
Le petit mammifère est pourtant un animal protégé par l’annexe III de la Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe. « Le problème aujourd’hui, c’est que nous n’avons pas de comptage officiel du nombre de marmottes », s’inquiète Pauline di Nicolantonio, présidente de l’Association Justice Animaux Savoie (AJAS). « Les chasseurs se cachent derrière cette histoire de chiffres. Cette année, ils ont demandé à des étudiants de l’Université de Lyon de faire des comptages avec eux, sur les deux zones où il y a le plus de marmottes en France ».
Cette opération est vue d’un très mauvais œil par l’association, persuadée que les chasseurs compteront les marmottes seulement sur quelques kilomètres, avant d’arrondir les résultats à tout le territoire. Des accusations « absurdes » pour les chasseurs savoyards : « Quel intérêt avons-nous à mentir ? Nous allons juste prouver que la marmotte n’est pas une espèce menacée ».
Pourtant, le constat est clair. Les scientifiques déclarent un déclin continu des « siffleux » dans les Alpes françaises depuis les années 1990. « A l’époque, la chasse à la marmotte était pratiquée car on utilisait sa fourrure, sa graisse ou on la mangeait. Mais aujourd’hui, c’est une chasse purement de loisir », explique la présidente de l’association chambérienne. Alors pourquoi l’autoriser en France ? Pour Régis Clappier, il s’agit d’une évidence. « En altitude, les habitants ont historiquement chassé la marmotte pour se nourrir. Cette pratique traditionnelle fait donc partie de notre patrimoine cynégétique ».
« Les préfets sont trop soumis aux pressions des chasseurs »
En 2022, l’AJAS avait organisé un happening devant le Ministère de la Transition écologique, à Paris. (Photo : Pauline di Nicolantonio / AJAS)
Alors bien que 69 % des Français s’y opposent selon un sondage IFOP de 2022, la chasse à la marmotte reste autorisée en France, sauf dans certains territoires comme le Cantal ou les Pyrénées-Orientales. La raison ? Les préfets ont aujourd’hui le dernier mot sur le type de chasse permis dans leur département. « L’année dernière, on a attaqué en justice l’arrêté préfectoral sur la chasse à la marmotte pour qu’on puisse interdire cette pratique, au moins en Savoie, mais les préfets sont trop soumis aux pressions des chasseurs », déplore Pauline di Nicolantonio.
Depuis deux ans, une pétition, lancée par l’AJAS, est en ligne pour demander l’interdiction de la chasse au niveau national. Avec 91 000 participations aujourd’hui, son objectif est d’atteindre les 100 000 signatures pour appuyer sa demande.