L’élan retrouvé de l’artisanat à Saguenay

La boutique Twist à Chicoutimi. Celle de La Baie est toujours tenue par l’ancienne propriétaire, Marie-Hélène Haché. Crédit photo : Coline Lafargue
La pandémie de COVID-19 a bouleversé de nombreux secteurs économiques, et l’artisanat ici au Saguenay n’a pas fait exception. Cependant, loin de précipiter son déclin, la crise sanitaire a plutôt provoqué une réinvention des pratiques. Le regain d’intérêt pour les métiers manuels et locaux est réel et encourageant.
Avant la pandémie, l’artisanat au Saguenay était déjà un secteur dynamique, bien ancré dans la région avec des artisans spécialisés dans divers domaines comme la poterie, le textile et la sculpture. La présidente de la Corporation des métiers d’art du Saguenay-Lac-St-Jean, Gabrielle Thériault, souligne : « Nous sommes environ 50 membres actifs. Il y a une belle diversité et une communauté très soudée. »
Seulement, les restrictions sanitaires et la fermeture des salons d’artisans ont été vécues comme un véritable coup dur.
« Ceux qui faisaient de l’artisanat leur principale source de revenus ont eu du mal à traverser la période de crise. Sans les événements pour vendre directement leurs créations, c’était difficile, beaucoup se sont effondrés et ont fermé boutique » explique la présidente.
Comme beaucoup moins de personnes se déplaçaient dans les magasins. Plusieurs artisans ont dû se tourner vers des plateformes numériques pour compenser la baisse des ventes dans leurs boutique. Si bien que la directrice du magasin artisanal Twist à Chicoutimi, Guylaine Vézina, a dû fermer sa deuxième boutique Twist à Arvida en mars dernier. Comment dans ces conditions retourner une tendance défavorable ?
Une renaissance
Sculpteur depuis 24 ans à La Baie, Gérald Morin, affirme que « la pandémie a forcé les gens à rester chez eux, et c’est là qu’on a vu un retour vers les choses manuelles, vers l’artisanat. »

La boutique Twist à Chicoutimi. Plus de 150 artisans vendent leur produit dans ce magasin. Crédit photo : Coline Lafargue
À mesure que les restrictions se sont assouplies, l’artisanat a retrouvé un nouveau souffle et surtout sa clientèle. Les salons ont recommencé à attirer du public. Comme l’affirme Gabrielle Thériault : « Aujourd’hui, il y a un regain. Les gens veulent sortir, rencontrer les artisans et redécouvrir les produits faits à la main. » Elle note également une tendance croissante des commerces à intégrer des kiosques d’artisans lors d’événements pour attirer davantage de consommateurs.
La propriétaire de la boutique Twist Créations est d’accord avec elle. « Depuis la pandémie. Les gens sont beaucoup plus soucieux de l’achat local. »
Cette renaissance post-pandémie ne se limite pas à la clientèle. « Il y a plus d’artisans aussi, car de nombreuses personnes ont redécouvert les métiers manuels durant le confinement » ajoute-t-elle. L’effet est donc double : une augmentation des créateurs et une demande renouvelée des consommateurs. Gérald Morin confirme ce constat : « Après la pandémie, il y a eu un engouement pour l’artisanat, les gens ont recommencé à créer et à découvrir les activités manuelles pour combler l’ennui. »
Les leçons apprises
Un autre aspect marquant de cette renaissance est la sensibilisation accrue à l’achat local et durable. De nombreux artisans se sont réorientés vers des pratiques écoresponsables, en privilégiant les matériaux recyclés ou récupérés. C’est le cas dans la boutique de Guylaine Vézina où « beaucoup de produits que nous vendons sont issus de matériaux récupérés, et beaucoup visent le zéro déchet .»
L’artisanat local au Saguenay ne se limite donc pas à la production d’objets ; il symbolise un modèle économique durable. Dans un monde où la surconsommation et l’importation de produits de masse dominent, les artisans de la région revendiquent une autosuffisance. « En termes d’économie, on s’autosuffit. Les matériaux sont d’ici, les artisans produisent des choses ici, puis on les vend à des gens d’ici, » s’exclame Guylaine Vézina.
« C’est notre mission »
Cette approche circulaire, qui repose sur des ressources locales et des circuits courts, ne répond pas seulement à un besoin économique mais aussi à une véritable conscience environnementale. On retrouve cette philosophie dans l’usage de matériaux récupérés et recyclés. « On vend des chandelles dans des contenants réutilisables, comme des pots de béton qui deviennent des vases, » précise-t-elle en me montrant une de ces chandelles.

Propriétaire de la boutique Twist à Chicoutimi. Elle est devenue propriétaire le 1er octobre 2020. Crédit photo : Coline Lafargue
Il y a également une volonté de réduire la dépendance envers les produits importés, comme elle le précise : « C’est notre mission de ne pas acheter en Chine, à Taïwan, en Inde, au Bangladesh ou au Vietnam. On ne veut pas, c’est notre mission. »
Grâce à un retour en force des salons, une clientèle plus engagée et une montée en puissance de l’achat local, le secteur semble prêt à écrire un nouveau chapitre.