Organismes communautaires : La fracture financière entre Montréal et les régions du Québec
Les organismes communautaires au Québec subissent des inégalités de financement, surtout entre Montréal et les régions éloignées, ce qui limite leur capacité à répondre aux besoins locaux.
Depuis 2022, les travailleurs dans les organismes communautaires sont de plus en plus nombreux à faire la grève. La pandémie ayant pour conséquence de diminuer les financements de ces organismes et le salaire de leurs employés. Crédit photo : FSSS-CSN
« En arrivant à Chicoutimi, je savais que ma présence serait plus nécessaire qu’à Montréal, mais je ne m’attendais pas à manquer encore plus de moyens financiers », témoigne Charlotte, employée d’un organisme communautaire. Chaque année, plus de 700 personnes quittent les grandes métropoles pour aider dans des régions éloignées. Sur place, elles constatent un manque de visibilité, d’espaces adaptés, de personnel et des conditions de travail difficiles. Le tout, en faisant face à des problématiques similaires à celles des grandes villes. Leur syndicat souligne que « Cette différence découle d’un écart de financement entre les organismes », une réalité bien identifiée par les sociologues Pierre-André Tremblay et Maxime Fortin.
Pierre-André Tremblay a écrit de nombreux ouvrages sur les organismes communautaires et notamment sur l’indépendance des espaces ruraux.
Marginalisés par les financements publics
Aujourd’hui, Pierre-André Tremblay, expert en développement des collectivités, estime que « 85 % du revenu des organismes proviennent des différents ministères ». En 2022-2023, le gouvernement du Québec a versé plus de 1,8 milliards de dollars à plus de 5 300 organismes communautaires dans les 17 régions. Cependant, plus d’un tiers est remis à la ville de Montréal, qui représente pourtant 19% de la population totale de la province.
Chaque chiffre de ce document correspond à une région du Québec : 1 : Bas-Saint-Laurent / 2 : Saguenay–Lac-Saint-Jean / 3 : Capitale-Nationale / 4 : Mauricie / 5 : Estrie / 6 : Montréal / 7 : Outaouais / 8 : Abitibi-Témiscamingue / 9 : Côte-Nord / 10 : Nord-du-Québec / 11 : Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine / 12 : Chaudière-Appalaches / 13 Laval / 14 : Lanaudière / 15 : Laurentides / 16 : Montérégie / 17 : Centre-du-Québec.
SOURCE : gouvernement de Québec
Pour Maxime Fortin, expert en action communautaire et politiques publiques, tout commence dès la création d’un organisme : « C’est extrêmement complexe. Les ressources humaines sont souvent insuffisantes et le financement compliqué. Aujourd’hui, ce ne sont plus les organismes qui sont financés, mais uniquement de nouvelles branches de ceux existants. Il faut donc être bien établi auprès des services publics, souvent depuis 30 ou 40 ans, alors que des enjeux comme l’itinérance ou la dépendance ne sont reconnus que depuis moins de 20 ans dans certaines régions du Québec ».
Pierre-André Tremblay ajoute qu’une fois l’organisme créé, il doit « survivre face à sa marginalisation par les pouvoirs publics.» Il souligne que les financements dépendent souvent des « modes médiatiques, comme l’insécurité alimentaire pendant les fêtes. Lorsque les enjeux des grandes villes dominent, les problèmes des autres villes, bien que tout aussi importants, passent inaperçus ». Les décideurs, influencés par cette perception, « concentrent donc leurs ressources sur les situations les plus visibles, délaissant ainsi les organismes éloignés des centres urbains.
Maxime Fortin est originaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Région sur laquelle porte plusieurs de ses travaux sur les associations, notamment pour l’itinérance.
Donc, invisibles pour les financeurs privés
Depuis une dizaine d’années, les organismes peuvent se financer grâce à des collectifs philanthropiques. Cependant, Maxime Fortin note que « ces fondations sont situées à Montréal et à Québec », ce qui avantage les organismes urbains dans l’accès aux subventions par leur proximité. Les organismes en régions éloignées rencontrent des obstacles supplémentaires, comme le manque de visibilité et de réseau, ce qui complique leurs liens avec ces fondations. De plus, les décideurs peuvent avoir une perception biaisée, considérant les enjeux des grandes villes comme plus pressants, ce qui aggrave les inégalités de financement. Par exemple, la Fondation du Grand Montréal n’octroie des aides qu’aux établissements qu’elle visite, créant des inégalités pour ceux des zones éloignées.
Pour remédier à cette disparité, le gouvernement a mis en place un Fonds d’aide aux initiatives rurales, tandis que des fondations, comme celle de la famille Léger, se consacrent de plus en plus à répondre aux besoins spécifiques des zones éloignées.