«Les écrans font écran à l’intelligence», selon un professeur en psychoéducation

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Environ 50% des jeunes au primaire utilisent un téléphone au quotidien. Ce chiffre grimpe à 80% au secondaire. (NETendances/ photo : Alex Villemaire)

« Les écrans font écran à l’intelligence », explique le professeur en psychoéducation de l’Université de Montréal Serge Larivée. Plusieurs chercheurs ont remarqué que l’omniprésence des écrans dans nos vies nuit au développement cognitif chez les jeunes.

Alex Villemaire

alexvillemaire19@gmail.com

« Le taux d’attention chez les jeunes a chuté de 75 % [dans les 20 dernières années », mentionne le chargé de cours en psychoéducation à l’Université de Montréal, Benoit Gauthier.

M. Gauthier explique qu’il existe une relation claire entre l’utilisation des écrans et l’augmentation des problèmes d’inattention. « Les écrans augmentent les symptômes d’inattention, mais aussi, les jeunes qui présentent plus de symptômes d’inattention et qui ont un diagnostic de TDAH sont plus portés à avoir un temps d’écran plus important. Cela crée un cercle vicieux : les écrans nuisent à leur attention, donc ils passent encore plus de temps dessus, et ainsi de suite », ajoute-t-il.

Ce qui explique le phénomène, c’est principalement le contenu diffusé par ces écrans. En effet, ce sont les applications qui produisent des stimuli, et le cerveau est constamment à la recherche de ces stimuli pour générer de la dopamine, explique M. Gauthier.

Barrières à l’intelligence

M. Larivée critique ouvertement l’omniprésence des écrans dans nos vies. Selon lui, « l’intelligence, ça se développe quand on est en interaction avec le réel, pas en restant passif devant un écran ».

Serge Larivée a fait une découverte récente auprès de ses étudiants de maîtrise : ils ne semblent plus capables de lire de longs textes. « La reproche que les étudiants me faisaient, c’était : “Monsieur, vous nous donnez trop de textes à lire, et ils sont trop longs.” Et à chaque fois, je leur répondais : “Merci du compliment” ». Il a aussi remarqué une augmentation de l’écart entre les performances des élèves : certains sont très forts, tandis que d’autres sont très faibles. Quelles sont les pistes de solution selon lui : « Sortez jouer dehors ! »

Pédagogie innovante…

La diminution du temps d’attention chez les jeunes est un réel fléau dans les écoles de la province. Le ministère de l’Éducation forme les nouveaux enseignants à utiliser la technologie pour les apprentissages, un choix critiqué par la professeure en pédagogie de l’UQAM, Pascale Bourgeois. « La recherche tend à montrer qu’il y a très peu de bénéfices ou même que c’est nuisible […]. On observe même parfois une baisse dans les notes », explique-t-elle.

Selon elle, une partie du problème est présente dans presque toutes les classes du Québec. « Simplement afficher les notes sur un tableau intelligent projette de la lumière, ce qui peut s’interposer dans l’apprentissage ». Elle pense qu’il faudrait limiter l’utilisation de ces tableaux intelligents. « Ça fait peur, mais il faut retourner en arrière, au papier et au crayon », a-t-elle ajouté.

Jeux vidéo

« Les jeux vidéo sont un poison pour les jeunes atteints de TDAH », affirme Gabriel Tiraboschi, chercheur postdoctoral à l’Université de Sherbrooke, qui a récemment fait une découverte dans le cadre de ses recherches. « Les jeunes âgés de 12 à 13 ans qui jouent entre 1 et 3 heures par jour sont beaucoup plus susceptibles de développer des symptômes de TDAH. »

L’objectif de son étude était de réfuter l’hypothèse selon laquelle certains jeux vidéo pouvaient améliorer la concentration. « Plus on commence jeune, plus les symptômes s’intensifient », a-t-il ajouté.

Il a également précisé que les jeunes déjà atteints de TDAH sont plus à risque de développer une dépendance aux jeux vidéo, aggravant ainsi leur condition.

Quelques statistiques

 Selon l’Institut national de santé publique du Québec, en 2000, 2 % de la population était atteinte du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), comparativement à 15 % en 2023. Le trouble touchait deux fois plus les garçons que les filles.

Ces données sont en parfaite corrélation avec l’augmentation de la présence des écrans chez les jeunes. Selon une étude de l’Université de Sherbrooke, en 2000, 30 % de la population possédait un téléphone, par rapport à 91 % en 2023.

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