Derrière le masque virtuel
La sonnerie de son MSN retentit. Elise, 13 ans, vient de recevoir un message de celui qu’elle appelle avec beaucoup de fierté son copain depuis un bon moment à ses amis, même si elle n’a jamais rencontré l’élu de son cœur en personne. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que la photo du présumé Thomas ne concorde pas avec le visage de celui ou celle qui écrivait en son nom.
Pendant environ deux mois, Elise (nom fictif) discutait sur le web avec Thomas. «J’étais en secondaire 1, je vivais beaucoup d’intimidation et mes parents venaient de se séparer… Je me suis beaucoup confiée à ce garçon. Je voulais y croire», explique la jeune femme maintenant au cégep.
La relation virtuelle qui rapprochait les deux personnes n’a pas duré éternellement. Elise a commencé à douter de celui à qui elle confiait ses peines et ses joies quand elle a cherché son nom sur Facebook. Elle s’est alors rendu compte que Thomas n’était qu’une mascarade. «Je me sentais honteuse. Au final, à ce moment-là, tout ce que je voulais c’était quelqu’un. Je voulais montrer que j’étais capable d’avoir un copain», complète Elise.
L’ampleur des faux comptes
Ce genre de situation, appelée couramment catfish, arrive de façon récurrente dans une société en contact avec des relations virtuelles. Que ce soit sur des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram, ou encore un site de rencontre comme Tinder, utiliser une fausse identité se fait en claquant des doigts. Selon les statistiques de Facebook, en 2018 il y avait 583 millions de faux comptes. Ce chiffre représente le quart des comptes existants sur ce réseau.
«La population ne se rend pas compte que tout le monde peut être à risque de ce piège. Il faut faire attention à ce qu’on partage et comment on s’expose sur les réseaux sociaux», explique la travailleuse sociale Émilie Tremblay.
Un danger sérieux
Les catfish peuvent devenir une réelle menace pour ceux qui se font prendre à ce malin jeu. C’est le cas de Jonathan (nom fictif), alors qu’il avait 22 ans et qu’il croyait avoir rencontré une jeune femme lui plaisant. «Je l’avais swipée, et elle m’avait invité à passer la soirée avec elle… J’ai même fait une heure de voiture pour me rendre au bar où on devait se rejoindre», explique Jonathan.
Pourtant, une fois arrivé au bar, Jonathan ne voyait aucun signe de la présumée jolie blondinette avec qui il parlait plus tôt… Elle le contacta, lui disant de changer d’endroit, et ce ne fut que le début d’une malencontreuse aventure. «Finalement, elle m’a donné une adresse en me disant que la porte était débarrée et que je pouvais entrer… J’y suis allé et je ne suis pas fier de moi. Évidemment, ce n’était pas une belle blonde qui m’attendait à la porte, mais une vieille dame qui ne comprenait pas ce que je faisais devant son perron au beau milieu de la nuit», ajoute Jonathan.
Paul (nom fictif), un jeune garçon de 19 ans, a vécu une histoire plutôt semblable. Toujours sur le site de rencontres Tinder, il venait tout juste d’entrer en contact une femme attirante. «Elle m’avait demandé qu’on se voie et j’étais enchanté», explique Paul. Le jeune homme a eu la surprise de sa vie en rencontrant une femme qui ne concordait pas du tout avec les photos qu’elle mettait sur son profil.
Le revers de la médaille
Pour la jeune Alicia (nom fictif) qui avait à l’époque 12 ans et respirait l’insécurité, c’est un autre genre d’anecdote. Elle a elle-même menti sur son identité et son apparence pour plaire à un garçon. «Quand je lui parlais, je me mettais hors-ligne pour les autres afin de changer ma photo pour celle d’une autre fille», explique la jeune femme, sept ans après les événements.
Désormais, Alicia revoit cet événement comme l’innocence de la jeunesse. «Maintenant, je sais qu’on doit être prudent. J’ai vieilli», explique la jeune femme avec un grain de sel, reflétant son gain de confiance depuis son adolescence.
Malgré que les gestes d’Alicia ne portaient aucune malice, il demeure qu’utiliser une fausse identité peut être sanctionné par la loi. L’usurpation d’identité est passible d’amendes, et peut se rendre à une peine de prison selon le Code criminel canadien.
«Je ne pense pas que les gens constatent l’ampleur qu’ils peuvent avoir en piégeant les personnes comme cela… Il faut être plus conscientisé à ces pièges», ajoute Elise, qui depuis son incident, prend de nombreuses précautions avec les personnes qu’elle rencontre en ligne.
Derrière chaque compte Facebook, Instagram ou Tinder se cache une personne. Une personne à laquelle on associe un physique et une personnalité, mais jamais on ne peut réellement savoir qui se cache derrière ce, parfois utopique, masque virtuel.