Éducation : le Québec un « mauvais » élève 

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52% des Québécois de 16 à 65 ans n’atteignent pas le niveau 3 de littératie. (PEICA, décembre 2024)

Si l’on en croit une récente étude comparative commandée par la Fondation pour l’alphabétisation, la Belle Province semble éprouver des difficultés notables en matière d’éducation par rapport à sa voisine ontarienne. La situation risque de s’empirer durant les prochaines années avec l’essor de la robotique et de l’intelligence artificielle, de plus en plus d’emplois peu qualifiés disparaîtront, rendant l’absence de formation encore plus pénalisante. 

Selon le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA, décembre 2024), 52 % des Québécois de 16 à 65 ans n’atteignent pas le niveau 3 de littératie. Un seuil pourtant jugé essentiel pour comprendre et interpréter des textes complexes. Autre donnée préoccupante : en 2020-2021, seulement 80 % des élèves québécois ont obtenu leur diplôme secondaire dans les délais, plaçant ainsi la province en bas du classement canadien. 

La Fondation pour l’alphabétisation qualifie ces données de « préoccupantes ».

La Fondation pour l’alphabétisation qualifie ces données de « préoccupantes ».

Un enjeu sociétal majeur 

Ce constat n’est pas anodin. « C’est un ensemble d’enjeux. Il y a des impacts économiques et sociaux », prévient le chef des services à la Fondation pour l’alphabétisation, Slimane Saidj. 

Un faible niveau de diplomation entraîne de profondes répercussions sur l’ensemble de la société québécoise, notamment sur l’employabilité des jeunes. En effet, sans qualification ni diplôme, l’accès à des emplois stables et bien rémunérés devient un véritable défi, d’autant plus que l’évolution du marché du travail tend à ne laisser que peu de place aux travailleurs non qualifiés. 

« Le tournant de 2029-2030 sera critique. Si vous êtes sans diplôme et sans qualification, ce ne sera pas drôle du tout. Plus on avancera, plus les emplois simples seront remplacés par la robotique et l’intelligence artificielle. Il n’est pas bon, aujourd’hui, de ne pas avoir de diplôme », alerte le psychologue et spécialiste de la réussite scolaire, Égide Royer. 

Le niveau de scolarisation influence également les choix culturels et les loisirs. « Si vous voulez aller voir un film, lire un roman ou assister à une pièce de théâtre et que votre partenaire ne lit pas, cela crée des distorsions », souligne Égide Royer. 

Un retard historique à combler 

Longtemps à la traîne en matière d’éducation, qualifié par certains de cancre avant la Réforme Parent des années 1960, le Québec a mis du temps à rattraper son retard sur les autres provinces canadiennes. 

En Ontario, la réforme éducative de 2003, menée par Dalton McGuinty, alors premier ministre, a propulsé le taux de diplomation de la province, passant de 72 % à 83 % en 10 ans.  

« Au Québec, on peine à atteindre les 78-79 %. Il y a vraiment un écart au niveau de la diplomation », constate le psychologue et spécialiste de la réussite scolaire, Dr Égide Royer. Un constat partagé par le président de la Fondation pour l’alphabétisation, André Huberdeau, qui souligne qu’ « en matière de littératie et de diplomation, le Québec a un retard de 20 ans à rattraper par rapport à l’Ontario. » 

Des raisons multifactorielles 

Au-delà des réformes, la perception de l’éducation diffère d’une province à l’autre et semble jouer un rôle déterminant chez nos homologues ontariens. « Il y a aussi une question de valorisation de l’éducation. Étrangement, au Québec, on a des régions homogènes francophones avec peu d’immigration. Pourtant, on se retrouve avec des taux de sorties sans diplôme très élevés », relève Égide Royer.  

Les différences d’approche entre le Québec et l’Ontario influencent également les taux de décrochage scolaire, bien que celui-ci ne soit pas vraiment établi au Québec. Néanmoins, pour Égide Royer, la part d’élèves ayant abandonné l’école est plus élevée dans la Belle Province. 

« Quand je discute avec des directeurs d’écoles ontariennes et que je leur demande “vous avez combien de décrocheurs dans votre école ?”, ils me répondent “quelques-uns”. Il y a une approche différente », explique l’ancien professeur-chercheur de l’Université Laval. 

Des solutions envisageables 

15 pistes d’actions qui permettraient au Québec d’améliorer le taux de diplomation secondaire de ses élèves et incidemment, le niveau de littératie de sa population. (Fondation pour l’alphabétisation)

Dans leur récent rapport Alpha 9, l’économiste Pierre Langlois et la Fondation pour l’alphabétisation proposent des pistes d’action pour réduire les écarts avec les autres provinces canadiennes. Parmi ces recommandations figurent la création d’un Secrétariat à la littératie ou encore l’école obligatoire jusqu’à 18 ans, comme c’est déjà le cas en Ontario et au Nouveau-Brunswick.

« Cela fait quatre ministres de l’Éducation que j’essaie de convaincre de rendre l’école obligatoire jusqu’à 18 ans. Si un élève souhaite arrêter avant, il devra demander une autorisation. Ça obligerait à maintenir un contact avec l’école », insiste Égide Royer. 

Autre enjeu majeur selon Slimane Saidj, qui estime que « les recommandations sont toutes plus importantes les unes que les autres » : l’accompagnement des élèves ayant des troubles d’apprentissage et la généralisation de la maternelle à 4 ans. « Quand les enfants entrent au primaire, ils ne sont déjà pas sur un même pied d’égalité », rappelle-t-il. 

Selon Égide Royer, l’objectif devrait être que « 90 % des garçons et 95 % des filles obtiennent un diplôme d’études secondaires, général ou professionnel ». Pour lui, le cégep est même un passage incontournable pour ceux ayant choisi le parcours général. « Ce n’est pas de la science-fiction, c’est déjà une réalité chez les francophones ontariens. » 

Bien que le Québec fasse face à des défis importants en matière d’éducation, il existe une réelle volonté d’améliorer la situation. « Les pistes d’action sont prises au sérieux et des efforts sont en cours », conclut Slimane Saidj. 

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