Congé de taxe : un cadeau pour les consommateurs, un effort pour les commerçants

Samedi le 15 février a marqué la fin du congé de la taxe fédérale implanté par le gouvernement libéral en décembre. Les consommateurs en ont profité, mais les commerçants ont des opinions partagés.

(Photo : Sofia Lépine) Shannon Desbiens affirme qu’il aurait préféré recevoir un chèque du gouvernement que l’annonce du congé de taxe.
« Note aux politiciens qui vont suivre dans les années prochaines, […] cette idée-là, oubliez ça! S’en était pas une bonne », soutient Shannon Desbiens, coordonnateur à la librairie Les Bouquinistes. Celui-ci n’a pas observé de changement dans l’achalandage de son commerce dans les deux derniers mois. Il n’est pas le seul : 66% des PME touchées par cette décision ont observé peu d’augmentation dans leurs ventes, d’après la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
« Ça a plus fait une différence au niveau des commandes », admet-t-il. « Est-ce que ma commande va arriver à temps pour que je puisse sauver les taxes? » était une préoccupation commune chez ses clients. Malgré tout, M. Desbiens a remarqué un enthousiasme général de la part de sa clientèle lorsque ceux-ci n’avaient pas à payer la taxe fédérale. « Ils aimaient le mentionner, avance le coordonnateur. En même temps, je les comprends, j’ai sauvé des taxes ailleurs aussi. »

(Photo : X – ALQ-info) Corinne Boutterin se dit pour le retrait permanant de la taxe fédérale.
La responsable aux collectivités de la librairie Les Bouquinistes Corinne Boutterin souligne qu’un enjeu important lié au congé de TPS concerne les commandes des collectivités. « Normalement, quand elles [les collectivités] reçoivent leurs produits, elles reçoivent une facture payable dans les trente jours qui suivent », relève-t-elle. Mme Boutterin affirme que les commissions scolaires et les bibliothèques payent rarement leur dû le jour même de la réception de la facture. Ce processus peut prendre plusieurs semaines. « Nous, on ne peut pas extrapoler quand ils vont la payer », mentionne-t-elle. Depuis deux semaines, celle-ci rajoute la taxe fédérale aux factures, assumant que le total sera payé après la fin du congé de taxe le 15 février.
« Pour un professeur qui a 300 dollars de budget, il y a une bonne différence entre payer la taxe ou non. C’est un livre de plus, ou deux », ajoute Shannon Desbiens. La responsable aux collectivités s’attend à devoir gérer plusieurs retours de commandes pour cette raison.

(Photo : Sofia Lépine) La librairie Les Bouquinistes est devenue une coopérative en 2021.
La librairie Les Bouquinistes vend des produits qui n’ont pas bénéficiés de l’exemption de TPS comme des livres audio et des disques compacts. Cependant, la majorité de leur inventaire est constitué de livres, qui n’étaient pas taxés lors du congé de taxe. La complexité de l’ajustement des systèmes informatiques a varié d’un commerçant à l’autre. « On est chanceux parce qu’on a un informaticien qui connait le système. Il a dû modifier le programme et a quand même passé un bon bout de temps à le faire », déclare le coordonnateur.
M. Desbiens et Mme Boutterin sont contre l’idée de perpétuer ce congé de taxe temporaire à travers les années. « Catégoriquement, non. Pas deux mois par année, parce que là, on va devenir fou! », relate Corinne Boutterin.

(Photo : Sofia Lépine) La boutique Allo Bonnie a ouvert ses portes le 9 mai dernier.
La perspective d’un autre marché
Les articles pour bébés étaient également exemptés de la TPS. La boutique Allo Bonnie a bien accueilli ce changement temporaire. « Nous, on est un nouveau magasin, ce n’est pas le mess [bazar] dans mon inventaire […] ça n’a pas été si pire que ça », mentionne la propriétaire Catherine Forgues.

(Photo : Sofia Lépine) Catherine Forgues soutient que le congé de taxe a bénéficié davantage les consommateurs que les commerçants.
Celle-ci utilise un système appelé Shopify, qui lui a permis de bien différencier ses produits. Supprimer la TPS n’était pas une lourde tâche de son côté. « Le plus compliqué, c’était de trouver l’information pour savoir ce qui était inclus ou pas. Ça, des fois, ce n’était pas si clair », révèle-t-elle.
Mme Forgues a souligné avoir reçu peu de précision venant de la part du gouvernement. « Ils ont fait une liste assez vague, je me suis dit que je ne pousserai pas trop, parce que s’ils avaient voulu que ça [la précision des produits exemptés] soit plus intense, ils nous auraient mieux épaulés », déclare-t-elle.
Les serveurs, dans tout ça?

(Photo : Amélie Pagé – Facebook) Amélie est serveuse au St-Hubert depuis un peu plus d’un an.
Le retrait de la TPS sur les factures au restaurant a également affecté le pourboire des serveurs. « C’est sûr qu’il y a une différence dans mon pourboire, mais je ne la remarque pas nécessairement », appuie Amélie Pagé, serveuse au restaurant St-Hubert. Bien qu’elle n’ait pas observé une baisse significative dans son salaire, elle préfèrerait que ce congé de taxe reste dans le passé. « Que ça soit 4 dollars ou 25 sous de plus, ça revient dans nos poches », admet-t-elle.