Préserver le patrimoine une maison à la fois

En février dernier, la MRC du Fjord du Saguenay a célébré l’héritage de la région en organisant la 5e édition de la Journée du patrimoine culturel. Lors de cet événement, plusieurs prix ont été remis à la population pour leur implication. C’est le cas de Julie Poirier qui a, pendant 4 ans, travaillé à restaurer sa maison sur la rue Saint-Thomas Nord à L’Anse-Saint-Jean. Elle a remporté le premier prix dans la catégorie conservation et préservation du patrimoine bâti.

Avant et après les rénovations. Crédit photo : Julie Poirier

Crédit photo : Charles-Antoine Desmeules
Le processus a été long et ardu, mais ce travail allait au-delà de rénover une maison seulement pour y habiter. « Le projet, avec mon conjoint, c’était de remettre sur pieds cette maison, de la faire revivre et de travailler avec nos propres moyens pour y arriver », exprime Mme Poirier. La maison n’avait jamais été rénovée, seulement redécorée afin de pouvoir mener ses besognes quotidiennes. Lorsque Julie Poirier a entamé les constructions, elle a découvert des éléments qui dataient de sa construction en 1850 tels des murs en pièce sur pièce et même de l’écorce de bouleau en guise d’isolation.
La demeure était inoccupée depuis plus de 30 ans, mais quand les habitants de L’Anse-Saint-Jean ont entendu parler des rénovations, plusieurs sont venus appuyer Julie Poirier dans son travail en disant avoir plusieurs souvenirs dans cette maison. Certaines personnes ont même vécu des mariages sur ce terrain et ces anecdotes ont renforcé son désir de continuer.

L’écorce de bouleau servant à l’isolation de la maison est visible. Crédit photo : Julie Poirier
Un travail d’envergure
Pour l’aider dans son projet, la MRC l’a soutenu en lui offrant une subvention de 55 000$ pour refaire les murs et la toiture. Elle a acheté sa maison en 2017 pour 78 000$ et estime avoir investi au total près de 20 000$ par année pour les travaux. Dans cette situation, démolir et tout reconstruire aurait été moins chère pour Julie Poirier. « Je n’avais pas prévu toutes les rénovations qu’il y aurait à faire et que la maison soit aussi insalubre », dit-elle. À chaque modification, d’autres vices cachés faisaient surface.
« Les poutres étaient cassées, pourries, il y avait des fourmis charpentières […] Il y avait une senteur épouvantable dans les murs. Au lieu de réparer, ils [anciens propriétaires] mettaient du tape sur les craques et entre les planches de la maison. Il y avait de nombreux passages de chauves-souris, souris, écureuils, donc l’odeur était épouvantable. »

Des quantités énormes d’excréments animaux étaient dissimulés dans les murs. Crédit photo : Julie Poirier

Julie Poirier a su réutiliser les planches souillées de la maison pour faire son coffrage. Crédit photo : Julie Poirier
Une fierté
Malgré tout, Julie est fière d’avoir tout fait elle-même. « Le plancher, les murs, les poutres, ce sont des arbres qu’on a coupés, sciés et apprêtés », ajoute-t-elle en parlant des portes et des fenêtres d’origine qu’elle a réutilisées pour garder le cachet de la maison en plus des pièces qui n’étaient plus bonnes pour en refaire autre chose.

Julie Poirier assise sur les troncs qui serviront à la rénovation. Crédit photo : Julie Poirier
Son prix du patrimoine culturel n’était pas une nécessité, mais représentait pour elle une reconnaissance qui avait du sens. « Ça méritait d’être su ce qu’on avait fait. Faire revivre la maison, c’est ce dont je suis le plus fière », dit Julie Poirier.

Julie Poirier a gardé les couleurs des murs déjà présentes à l’étage. Crédit photo : Charles-Antoine Desmeules

Crédit photo : Charles-Antoine Desmeules

La cuisine et ses éléments sont complètement modernes, mais ont été fabriqués et peints pour donner un look rétro. Crédit photo : Charles-Antoine Desmeules
Plus qu’une simple maison
La conseillère au développement du patrimoine culturel à la MRC-du-Fjord-du-Saguenay, Myriam Blais est d’accord avec la vision de Julie Poirier et encourage les gens à faire de même, car le patrimoine est une question d’identité, et devrait être plus connu de la population. « Autant j’ai des municipalités qui sont très conscientes de la richesse de leur milieu, autant que j’en ai d’autres qu’ils ne le savent pas, parce qu’ils se disent, voyons la maison de ma grand-mère ce n’est pas patrimonial ça, j’allais là les fins de semaine. Pourtant, ça a bel et bien cette richesse-là. »
Myriam Blais explique également que rénover et garder des bâtiments tels que la maison sur la rue Saint-Thomas Nord préserve non seulement notre histoire, mais aide aussi à la santé de la planète en réduisant le nombre de déchets créés lors de nouvelle construction.

Les roches utilisées pour le balcon ont toutes été extraites du sol de la maison lors des rénovations. Crédit photo : Charles-Antoine Desmeules






