La fois où j’ai traversé le lac Saint-Jean à pied
Jour 1- 5h am 6 février: les bénévoles commencent déjà à s’activer au Village sur glace de Roberval pour accueillir les participants de la 10e édition du Double défi des deux Mario. Deux semaines à peine avant le départ, j’ai su que j’allais parcourir 30 kilomètres sur le lac SaintJean jusqu’à Pointe-Taillon et par le fait même, dormir deux nuits dans le froid jeannois.
Qu’est-ce qui nous pousse à faire l’expédition? Au-delà du défi physique et mental, l’aventure apporte son lot de rencontres plus enrichissantes les unes que les autres. Une jeune femme, Joëlle Bruneau, m’a dit, au beau milieu du lac Saint-Jean enneigé, «c’est magique d’avoir la chance de redonner à la fondation qui m’a fait sentir bien après la maladie». Elle qui a survécu à un cancer du sein à seulement 20 ans, a participé à une activité thérapeutique de la Fondation sur la pointe des pieds. Et ce n’est qu’une histoire parmi celles d’une centaine de personnes qui ont pris part au défi .
En m’embarquant dans le projet, j’étais certaine d’avoir les connaissances en plein air et l’équipement nécessaires. Pas moins d’une heure avant le départ, le président du Village sur glace de Roberval, Camil Guy (qui était jusqu’alors un inconnu) est allé m’acheter des bottes d’hiver à la boutique la plus proche et il me les a offertes sans rien attendre en retour. Un geste qui démontre la générosité et l’authenticité de l’humain dans des circonstances propices à l’entraide et à la confession.
Le bruit des conversations, des traineaux, des raquettes et des skis de fond couvre le silence qui s’étend sur un horizon infini. On a tous hâte d’arriver au campement après une autre longue journée de marche puisqu’un repas chaud de roi nous attend. Les cuisiniers sont incroyables, l’équipe de logistique, professionnelle et les accompagnateurs, motivants. Un cocktail de personnalités qui nous aidaient à passer au travers du défi pour s’en souvenir jusqu’à la fin de nos jours.
Faire sa toilette, s’habiller, manger, dormir ou encore se réchauffer constituent un défi en soi alors que le thermomètre indique -30 °C sur la glace. 22 h : c’est l’heure d’aller au lit, ou plutôt d’aller dormir dans un sac de couchage à quelques centimètres de la neige.
Jour 2: au réveil, l’odeur du café et des œufs, préparés avec enthousiasme par les cuisiniers,réchauffe nos cœurs. Douze kilomètres nous attendent avant d’arriver au deuxième campement. Heureusement, dame Nature est de notre côté malgré le brouillard qui cache la rive. Mario Bilodeau semble être né avec une boussole à la main pour guider la
quarantaine de participants en suivant son azimut dans une mer blanche sur 360°.
Avoir traversé un cancer rare, voilàce qui motive Mario Bilodeau à parcourir le lac Saint-Jean pour récolter des dons. Pour ce qui est de Mario Cantin, l’aventure thérapeutique lui permet de rendre hommage à sa fille décédée dans un accident de voiture. Dans quelques semaines, il gravira l’Everest avec une photo de Mélanie. Nous avançons sur le lac en ligne droite, laissant derrière nous un passé difficile, et pour certains, des souvenirs douloureux des heures passées dans les hôpitaux. Jour 3: la ligne d’arrivée est toute proche et déjà l’émotion est palpable.
Lorsqu’on franchit finalement la ligne d’arrivée, les larmes coulent sur nos joues rougies par le soleil et le froid. Les deux Mario reçoivent des câlins, des remerciements et des commentaires encourageants pour la 11e édition: plusieurs veulent déjà y retourner en tant que participants ou bénévoles.
Derrière toute l’expérience qu’est le Double défi des deux Mario, il faut se rappeler que ce sont des jeunes atteints du cancer ou en rémission qui auront la chance de vivre une aventure thérapeutique. En 10 ans, c’est plus d’un million de dollars que le Double défi a amassé pour ces jeunes. Pour cette édition, un record a été battu avec 187 000 $.
On a froid et on sent mauvais, mais au moins on est heureux d’avoir accompli ce que peu de personnes réaliseront dans leur vie. On a saisi une opportunité d’être proche de la nature et des gens alors qu’il était encore temps.