Après la pénurie, comment les jeunes s’adapteront-ils au marché du travail ?
Après la fin de la pénurie de main-d’œuvre, le marché de l’emploi pourrait être chamboulé.
Fin de la pénurie de main-d’œuvre, automatisation, mentalités incompatibles au marché actuel, future hausse du chômage… Les inquiétudes sont nombreuses pour les spécialistes de l’emploi. Ces paramètres pourraient changer tôt ou tard le visage du marché du travail, obligeant les nouveaux travailleurs à s’adapter.
« La nature a horreur du vide, donc les gens vont trouver une solution pour combler cette pénurie, que ce soit par l’automatisation ou des fermetures », s’inquiète le directeur général du Carrefour jeunesse-emploi du Saguenay, Bernard Belley. Il a une crainte, que les machines remplacent les travailleurs, qui se retrouveraient donc au chômage. Mais malgré les avancées en termes d’automatisation, cette solution reste minime pour le directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQDC), Damien Silès. Dans ce secteur en crise, 29 000 travailleurs manquent selon le Montréalais. « La pénurie ne concerne pas que les caisses. Et parmi les commerçants au détail, on compte 85% de petits commerces, qui ne peuvent pas automatiser », rassure-t-il.
Au sein du Carrefour jeunesse-emploi, Bernard Belley essaye de donner des outils aux jeunes pour s’insérer sur le marché de l’emploi
Malgré tout, quand bien même l’automatisation ne peut pas se généraliser, elle devrait avoir un impact dans certains secteurs. « L’automatisation enlève des postes, mais elle en crée d’autres », note Damien Silès. Pour le conseiller d’orientation à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), François Côté, « ça permet de nouvelles possibilités, notamment dans le secteur technique ».
Se tourner vers de longues études
Si l’immigration et la possibilité de partir à la retraite plus tardivement sont des solutions souvent évoquées et que des avancées sont faites pour privilégier ces options, promouvoir de longues études pourrait en partie aider à régler la crise. « Les métiers spécialisés et demandant des études sont de plus en plus les seuls disponibles pour penser à long terme », commente Bernard Belley. « Il faut se perfectionner et se diversifier. On est chanceux au Québec, on a un bon accès aux études », renchérit François Côté. Les chefs d’entreprises aussi semblent miser sur la jeunesse, et lui libérer de la place pour son insertion professionnelle. « Il existe des programmes de recrutement. On est sur la bonne voie, mais il faut rester à l’affût des changements », rappelle Damien Silès. Pour ces spécialistes, une bonne intégration sur le marché de l’emploi passerait par une spécialisation afin de se diriger vers des métiers qui seront épargnés par l’automatisation.
Nouvelle génération, nouvelle mentalité
« On remarque un changement relationnel avec le travail. La qualité de vie est très importante, et depuis la pandémie, c’est compliqué de faire revenir les employés dans les bureaux. Il y a une volonté de travailler, mais différemment », analyse Damien Silès. Cette envie de se recentrer sur soi-même, sortir des centre-villes, et privilégier le télétravail se fait sentir au niveau de l’économie et des entreprises. « On sent un ralentissement économique. Le chômage recule [2,8% au Saguenay–Lac-Saint-Jean au troisième trimestre de 2023, NDLR], mais les postes ne sont pas forcément en adéquation avec ce que veulent les gens qui recherchent un emploi », décrit Bernard Belley.
« C’est l’un des gros défis qui nous attendent, nous devons montrer qu’on peut avoir du plaisir en travaillant dans le secteur du commerce de détail », avoue le directeur général de la CQDC. Ce défi est à relever rapidement, sous peine de grosses conséquences. « On est actuellement en récession, et on se retrouve avec des commerces qui sont à terre et dont les dirigeants doivent tout gérer, allant parfois jusqu’au burn-out », s’attriste Damien Silès. Pour mettre fin à cette crise, les entreprises doivent donc s’adapter pour attirer cette jeune génération de travailleurs et sa mentalité nouvelle.