Les prêts-à-manger à consommer de manière occasionnelle

Share:

Tourtières, nouilles orientales, sous-marins, pizzas… La vente de mets déjà préparés, aussi connus sous le nom de prêts-à-manger, dans les supermarchés gagne en popularité chez les Québécois. En revanche, les nutritionnistes affirment qu’il est préférable de consommer ces repas de manière occasionnelle.

«Il y a quand même un moyen de manger de façon variée avec les mets préparés en épicerie, si l’on complète le tout avec une portion de légumes, explique la coordonnatrice à la clinique universitaire de nutrition et formation continue de l’Université de Montréal, Anouck Senécal. Je pense que ça peut être des solutions de rechange occasionnelles, mais je n’encourage pas à aller vers les mets préparés au supermarché.»

Selon les experts, il y a plusieurs éléments manquants dans les repas préparés en épicerie. Ils ne suivent donc pas tout-à-fait les recommandations du Guide alimentaire canadien. (Photo : Samuel Morin)

En effet, les repas faits maisons contiennent plus de légumes ou de viandes. La valeur nutritive est donc plus importante, alors que les prêts-à-manger que l’on retrouve sur les étagères des épiceries contiennent plus de riz et de féculents (les pâtes alimentaires, le pain et les légumineuses sont des exemples de féculents).

«C’est sûr qu’il y a une différence, reconnaît le chef cuisinier Francis Pearson. En même temps, c’est relatif. Si quelqu’un va au supermarché et qu’il n’achète que des repas constitués de malbouffe, ce n’est pas mieux. Mais il existe aussi de très bons mets prêts-à-manger. Je pense qu’il n’y a pas de mal, de temps en temps, à en acheter. Je suis chef, je passe ma vie dans l’alimentation et ça m’arrive parfois, quand je suis pressé, de me rendre à l’épicerie pour me prendre un met préparé. C’est mieux que la restauration rapide.»

En 2015, les prêts-à-manger représentaient 1,1% des dépenses alimentaires des Québécois, alors que leurs voisins les mets préparés surgelés 1,4%, selon une compilation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) réalisée en 2017.

La nutritionniste en chirurgie bariatrique de l’Hôpital Le Royer de Baie-Comeau, Marie-Elaine Anctil, ajoute qu’il faut toujours vérifier la liste des ingrédients affichée sur l’emballage d’un repas déjà préparé en épicerie. «Ils contiennent beaucoup plus de sodium et plus d’ingrédients. Donc, généralement, la qualité nutritionnelle est moindre», affirme-t-elle.

Mme Anctil soutient que chaque repas doit avoir une teneur de 15 à 20 grammes en protéine. Elle estime également qu’un repas déjà préparé devrait contenir un minimum de quatre à cinq grammes de fibres pour un effet soutenant, d’autant plus que les fibres retardent la digestion. Il faut également avaler le moins de gras trans et saturé possible.

Des portions mal distribuées

En se promenant parmi les pâtés à la viande, les riz aux légumes et les ailes de tofu installés bien confortablement sur leurs étagères, les consommateurs choisissent leur souper. Cependant, les portions proposées sont-elles adéquates?

La réponse est non.

«Il y a un manque de végétaux, remarque Mme Senécal. Lorsque l’on a recours à ces repas, il faut penser de faire un tour dans l’allée des fruits et des légumes et d’acheter un paquet de salade tout fait pour accompagner. On peut ajouter aussi d’autres crudités et légumes.»

Marie-Elaine Anctil est du même avis. «Généralement, en épicerie, ce ne sont pas des gros repas, donc il peut manquer un ou deux éléments pour avoir une assiette équilibrée, alors qu’il en faut trois», souligne-t-elle.

Le Guide alimentaire canadien recommande que la moitié de chaque repas ne soit constitué que de fruits et de légumes. L’autre moitié est divisée en deux catégories: les aliments protéinés et les grains entiers.

Contrairement à Mme Anctil, Francis Pearson croit plutôt que les portions des mets préparés sont trop généreuses. «Quand on s’achète un plat, on se dit qu’on va le manger au complet et souvent on se force à le finir pour ne pas gaspiller. Alors qu’à la maison où on a préparé le repas soi-même, si on n’a plus faim on n’a qu’à le ranger», dit-il.

Manger seulement des mets préparés?

Si un individu décide du jour au lendemain de se nourrir uniquement de mets déjà préparés au supermarché, il s’expose à plusieurs risques, selon la nutritionniste en chirurgie bariatrique.

«Il pourrait avoir un apport en sodium très élevé et faire plus de rétention d’eau, explique Marie-Elaine Anctil. Il pourrait avoir des carences nutritionnelles, parce que les repas déjà faits ne contiennent pas suffisamment de vitamines, de minéraux et de protéines. Il pourrait aussi avoir très soif, étant donné que c’est plutôt riche en sodium et qu’il ne serait peut-être pas rassasié. Soit il perd du poids, parce que certains repas ne sont pas très caloriques, ou encore qu’il en prendrait, parce que certains le sont trop.»

Anouck Senécal ajoute même que manger uniquement des repas faits au supermarché pousse les Québécois à délaisser la cuisine. «Le fait de développer ses propres aptitudes culinaires va rester la clé-mère des habitudes alimentaires saines», estime-t-elle.

Du temps pour soi

Si les mets préparés en épicerie sont à consommer à l’occasion et les repas maisons sont à privilégier, prendre le temps de se faire à manger, c’est aussi prendre soin de soi.

D’après un sondage réalisé par la firme Léger Marketing réalisé en 2019, 44% des milléniaux (18-34 ans) consomment des mets déjà préparés en épicerie, alors que seulement 14% des baby-boomers (55 ans et plus) y ont recours. (Photo : Samuel Morin)

«Ce n’est pas juste de manger et de vérifier l’apport nutritif, insiste M. Pearson. C’est le temps que l’on investit pour ça. Au niveau du mental et de l’esprit, prendre le temps de cuisiner pour soi-même ça fait du bien.»

Share: