L’écologie trompeuse du marketing

350
0
Share:

La marque Love, Beauty and Planet fait partie des compagnies oeuvrant sous la bannière Unilever. Photo: Rosie St-André

Utiliser la bonne volonté des gens pour vendre plus, prétendre qu’un article possède plus de vertus responsables qu’il n’en a véritablement, recourir au zéro déchet comme accroche : il s’agit de l’éco blanchiment, une réalité bien présente dans le monde du marketing.

Bien que cette pratique se retrouve partout, le domaine des cosmétiques en est plus particulièrement touché. D’un côté, l’effervescence du mouvement environnemental permet aux compagnies spécialisées dans les articles biologiques et écologiques de produire davantage et de répondre à la grande demande.

De l’autre côté, celles qui souhaitent rester dans la course sans avoir à investir plus d’argent pour des produits de ce type trompent le client en mettant de l’avant des caractéristiques vertes que le produit n’a pas. Là est le plus gros impact selon la professeure au département des Sciences économiques et administratives à l’Université du Québec à Chicoutimi, Myriam Ertz. « Il y a l’aspect sociétal, le bien-être du consommateur qui croit faire un bon geste et un achat éthique, mais qui se fait avoir, car celui-ci n’est pas du tout écologique », soutient-elle.

La compétition des temps modernes

La tendance en commercialisation de donner plus de bénéfices à un produit ou d’exagérer ses caractéristiques a toujours existé. Toutefois, avec la prise de conscience environnementale, cette forme de marketing, qui est plutôt un vice selon la professeure, s’est engagée dans une tournure verte depuis les 15 à 20 dernières années.

« Avant on disait qu’un produit était plus fort, plus puissant, plus performant qu’un concurrent. Là, avec toute la vague du marketing responsable qui attire les gens et qui fait vendre, on a commencé à dire que certains produits, certains services avaient des caractéristiques responsables ou alors on les exagérait », explique Mme Hertz.

La professeure au département des Sciences Économiques et Administratives spécialisée en marketing et consommation responsable, Myriam Hertz. Photo: Courtoisie

Des visuels trompeurs

Dans l’industrie des cosmétiques, les emballages qui se disent verts sont plus minimalistes, peuvent avoir des fleurs ou des couleurs rappelant la planète, comme le bleu, le blanc et le vert. Cette technique affecte le consommateur sans qu’il ne s’en rende compte. Il croira d’entrée de jeu qu’il s’agit d’un achat éco conscient ou zéro déchet sans même prendre le temps de regarder les ingrédients ou la présence de sceaux certifiés.

L’utilisation de mots comme « vert », « responsable » ou « Eco-friendly » sans qu’il n’y ait de label qui vienne les appuyer est un signe d’éco blanchiment à considérer si le consommateur croit faire une bonne action en achetant un produit écoresponsable. « Quand on positionne un produit comme étant responsable et qu’on fait des déclarations par rapport à ça, par exemple, un produit qui émet moins de CO2 ou qui est fabriqué localement, pour crédibiliser ces affirmations-là, il faut qu’il y ait un sceau officiel qu’on appelle un label », rapporte la professeure.

Hélas, il faut se méfier du phénomène de « l’ami imaginaire ». Dans le monde du marketing, ce terme désigne une entreprise qui se dit certifiée par un organisme indépendant alors qu’il n’existe pas réellement ou qu’il a été élaboré par la compagnie elle-même. Il y aura ainsi la présence d’un logo qui semblera légitime, mais qui ne constitue pas un label en tant que tel. Il faut donc bien vérifier qu’il provienne de l’État ou d’un organisme totalement indépendant.

« Dans les cosmétiques au Québec, je pense à Attitude qui est vraiment positionnée responsable, qui est engagée là-dedans. Qu’elle dise qu’il n’y a pas de cruauté envers les animaux et qu’elle replante des arbres, c’est crédible parce qu’il y a le label qui certifie », donne en exemple Mme Hertz.

Le sceau Écocert certifie que 95% des ingrédients d’un produit sont de source naturelle et qu’au moins 10% de ces mêmes ingrédients viennent de l’agriculture biologique. Source: Châtelaine

Jouer avec l’innocence

Selon une étude menée par l’Institut d’études opinion et marketing en France et à l’international, les femmes françaises vont vers les cosmétiques bio et naturels pour leur santé, l’efficacité et la protection de l’environnement. Les compagnies étant conscientes de ces valeurs, elles vont jouer avec l’acheteur pour le déculpabiliser de ses actions. En lui disant qu’il s’agit d’un bien responsable, il aura tendance à consommer autant, sinon plus, puisqu’il croira que son achat est optimal.

« C’est un peu comme les produits de régime, lorsqu’on vous informe qu’il y a moins de gras, qu’est-ce que vous faites ? Vous en mangez deux fois plus », compare la professeure. Selon elle, le fait qu’un article soit responsable est une sorte de licence morale qui donne le droit au consommateur de l’acheter en grande quantité. « Le produit me dit qu’il est responsable, donc si je le consomme, je ne fais rien de mal », cite-t-elle en exemple.

Et l’aspect légal ?

Au Canada, aucune loi ne vise ce type de promotion. Les agences de publicité vont d’ailleurs faire tout en leur possible pour qu’aucune légifération ne soit instaurée. Certaines d’entre elles vont adopter de réelles pratiques responsables afin de coïncider avec les chartes éthiques fortement recommandées, alors que d’autres vont en faire fi.

La communication responsable peut donc se faire de manière exagérée, sous forme de mensonges par exemple. Il y a cependant des nuances à considérer dans l’éco blanchiment selon Myriam Hertz. « Parfois, l’entreprise va utiliser des tournures de phrases qui vont être perçues comme du greenwashing, mais elle-même ne le perçoit pas de cette façon. Elle fait du marketing après tout, c’est flashy et il faut en mettre plein les yeux », rappelle-t-elle.

La seule conséquence possible est donc la mauvaise réputation qu’une compagnie pourrait avoir si elle se fait dénoncer à faire ce genre de pratique. « C’est en effet un couteau à double tranchant. Si personne ne dit rien, c’est bénéfique pour l’entreprise, parce qu’elle va faire de l’argent et va avoir une belle image, soulève Mme Hertz. D’un autre côté, si des journalistes ou des chercheurs creusent un peu plus et découvrent qu’une compagnie ment, il peut en découler du boycottage et des pertes financières du même coup. »

Share: