Nuit des sans-abris : Une situation que tous peuvent vivre
C’est pour sensibiliser la population à la réalité des itinérants qu’a eu lieu pour la 17e fois la Nuit des Sans-abris à Chicoutimi, vendredi 21 octobre. La soirée avait pour but de lutter contre les préjugés touchant les personnes à la rue. Pour les intervenants comme pour les sans-abris, le plus important est de se souvenir que cette situation peut arriver à tous.
Sur la Place du citoyen, des itinérants discutent, certains pour la première fois depuis des mois, avec le reste de la population. De nombreuses personnes sont présentes à la soirée. Des stands ont été mis en place, à la fois pour montrer ce qui est fait et pour aider ceux qui sont venus.
Selon l’intervenante itinérante au Rivage, Julianne Dufour, la soirée a de nombreux objectifs. « Nous souhaitons sensibiliser à leur réalité, mais aussi enlever les écarts qu’il y a entre les gens de la société et les itinérants. Nous voulons effacer les préjugés et la stigmatisation, en nous rapprochant le plus de ce qu’ils vivent, en mettant les gens au courant. »
La soirée a eu lieu de 17h à 23h pour que tous puissent voir à quoi ressemble la situation de ceux restant des heures dans le froid. Les travailleurs de ces organismes tiennent des stands permettant de récupérer des affaires. « Ce sont des dons de personnes. On distribue des habits ou de la nourriture pour animaux », détaille une intervenante à l’accueil café, Anne-Sophie Hérault.
Plus loin, un parcours a été mis en place pour que la population puisse voir les diverses situations de logement d’un itinérant. « Ce sont mes affaires car cette situation pourrait m’arriver un jour. Je me suis imaginée comment je ferais, moi, pour mettre mes stands en place », décrit l’intervenante en santé mentale au Phare, Lysandre Jobin.
Actuellement, selon la travailleuse de rue Yany Charbonneau, « 26 campements se trouvent à Chicoutimi. Ce n’est pas évident, on essaye de les référer des maisons d’hébergement mais il n’y a pas toujours de place. »
Rejetés par la société
Les stands mis en place décrivent de nombreuses situations, mais pointent du doigt un problème commun : celui du rejet des itinérants par la société. « Les gens se plaignent et la ville décide d’en finir, on démantèle leurs camps et on les pousse à se cacher encore plus. Jusqu’au point où certains finissent par se désaffilier du reste du monde », raconte Lysandre Jobin.
« On se sent oublié. […] Être à la rue c’est beaucoup d’angoisse, certains finissent par se décourager et passent à l’acte, la vie ne nous apporte rien », témoigne Camil Gagné, ayant vécu la situation.
Le travailleur de rue Gabriel Lamarche a été frappé par des situations qu’il a vues. « Ils sont comme des fantômes. J’ai vu une dame âgée sur le sol, les jambes trainantes sur le trottoir. Les gens lui passaient juste au-dessus, sans un regard. On les ignore ou on les insulte. Alors qu’un simple bonjour suffit à les faire exister. »
Panel de situations montrées
Être itinérant, ce n’est pas juste dormir par terre dans la rue. Ce n’est pas non plus une situation qui ne touche « que les autres ». C’est une situation qui peut arriver à tous en fonction de ce qui nous arrive dans la vie. C’est ce qu’a voulu montrer la nuit des sans-abris hier soir. Un parcours a été organisé le long de la rue Racine, au centre-ville de Chicoutimi, pour montrer leurs situations.
Non loin de la place du Citoyen se trouve la première mise en scène. Une voiture, garée sur le bord de la route, montre le quotidien de nombreux itinérants invisibles. « Ceux de la classe basse moyenne sont particulièrement touchés. Quand ils ont des frais importants à payer, ils perdent parfois leurs logements et doivent vivre dans leurs chars. », explique Louise Dufour, la coordinatrice clinique pour le centre le Phare, Louise Dufour.
A quelques centaines de mètres, une maison en carton, représentant les maisons d’hébergement, a été construite. Mais Gabriel Lamarche se montre critique. « Elles manquent de place et ont tout de même un prix, 3.50 $ le repas ce n’est pas donné à tous. Et les subventions dépendent du nombre de statistiques à remplir, donc on leur pose des questions intrusives sur leur consommation de drogue ou sur les violences qu’ils ont subies. »
Deux autres stands se succèdent au bout de la rue. Le premier traite de la crise du logement. L’intervenante au Phare, Vicky Gramd’Maison, chiffre. « Aujourd’hui, seul 1,3 % des logements sont vides. Ça entraine de la stigmatisation. On change de logement, on cherche, on vit chez ses proches en attendant, dans les hébergements, puis on finit par épuiser toutes ses solutions ». Le second est un simple sac de couchage sur le sol, réalité de beaucoup d’entre eux.
En parallèle, sur la rue du Havre, une tente a été disposée loin de tout, « car ils se cachent, derrière les commerces, dans les boisés, ou encore les cages d’escaliers », liste Lysandre Jobin. « Ils doivent constamment se déplacer et se sentent hors de la société. »
Campements désaffectés
Témoin de leur situation, le parking situé sur la rue accueillait un campement autrefois.
Tout au fond, dans un endroit reculé à l’étage, un espace permettait à certains de se cacher pour se protéger du monde.
Mais « ils ont dû partir, décrit l’agent d’entretien du parking, un agent de sécurité passe de temps en temps pour vérifier qu’il n’y a plus personne ».
Ces mises en scène sont les réalités de nombreuses personnes, tous les intervenants présents le rappellent. « C’est une situation qui peut arriver à chacun. Alors il ne faut pas les ignorer et il faut les respecter car ce sont des êtres humains comme nous tous. »