Les troubles alimentaires n’ont pas de visage
« Aidez-moi quelqu’un, parce que je ne peux pas vivre comme ça toute ma vie ». Voilà le cri du cœur qu’a lancé Jade, 13 ans, qui souffre d’anorexie.
En 2021, les parents de Jade ont dû amener d’urgence leur fille à la clinique de l’adolescence à Chicoutimi. Ils ont rapidement compris que la plus grande phobie de Jade se trouvait était la nourriture. « J’étais si faible, je ne bougeais plus, je ne mangeais plus. Je ne me reconnaissais plus. Quand je suis arrivée, j’ai appris qu’ils me gardaient en hospitalisation », précise Jade.
C’est comme « avoir quelqu’un qui vit dans ma tête sans arrêt, qui m’envoie des pensées négatives et qui me pousse à ne pas m’aimer. Cette voix a une emprise sur moi », confie la jeune fille maintenant âgée de 15 ans.
À ce moment-là, Jade n’était pas consciente que la maladie la détruisait graduellement, jusqu’à ce que le personnel soignant lui dise qu’un soir, elle avait frôlé la mort. « Une infirmière a dû rester toute la nuit pour me surveiller directement sur mon lit d’hôpital, parce que mon pouls était en bas de 40 battements par minute. Je pensais que j’étais morte. C’est là que j’ai su que je devais prendre soin de moi », raconte Jade.
N’importe qui, n’importe quand
La jeune fille n’est pas la seule à vivre l’enfer des troubles alimentaires. Les vies des Charles Pelletier, 38 ans, et Hélène Chayer, 68 ans, ont elles aussi changé. Tous les deux souffrant d’hyperphagie boulimique, leur rapport avec la nourriture est tout autant problématique. Ce problème de santé les empêche de ressentir la satiété, ce qui peut entraîner l’ingestion extrême de nourriture, qui vient remplir un trou sans fin. « Ça devient une obsession sur quoi manger, matin, midi soir. Après, la culpabilité devient un poison », décrit Charles, coincé avec son trouble depuis bientôt deux ans.
De son côté, M. Chayer vit avec son trouble alimentaire depuis qu’elle a 14 ans. Faute d’un manque d’éducation et de sensibilisation à l’époque, il lui aura pris de nombreuses années avant de réaliser la gravité de son problème. « J’ai été dépressive pendant longtemps, à force de ne pas comprendre ce qui m’arrivait. Maintenant je comprends que ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que ça n’existe pas », évoque-t-elle, sous l’émotion.
Charles et Hélène sont ce que certains pourraient appeler des exceptions à la règle. Un homme gai, une femme plus âgée, ce n’est pas le profil dans la norme des troubles alimentaires. Mais les problèmes d’alimentation n’ont pas de visage ni de cas type. C’est ce les deux tentent de défendre depuis leur diagnostic. « La représentation est importante. Ça n’arrive pas seulement aux femmes. Les hommes aussi peuvent développer des troubles et ça ne devrait pas être tabou », défend Charles. « À mon âge, c’est difficile d’accepter ça. Si je l’avais su, je me serais aidée avant, c’est certain », souligne Hélène.
Une aide précieuse
Selon Jade, son séjour à l’hôpital lui a sauvé la vie. « Je ne serais plus là aujourd’hui si les infirmières ne m’avaient pas dit que je devais manger si je voulais m’en sortir », exprime-t-elle. Dans le cas d’Hélène, aller en thérapie a été une libération. « Ça m’a permis de me remettre sur pied. Là-bas, j’ai su que je n’étais pas seule et que je n’étais pas folle », lance-t-elle.
Le chemin vers la guérison
Jade, Charles et Hélène sont conscients qu’ils ne seront jamais véritablement guéris, car le risque de rechuter est toujours présent. Ils s’entendent pour admettre que leur problème de santé s’apparente à « une bête qui dort à l’intérieur de soi. Aussitôt que tu baisses les bras, ça revient », explique M. Pelletier. Cependant, ils sont fiers et aptes à faire la paix avec leur trouble alimentaire. « Je suis prête à tout combattre maintenant, plus rien ne peut être pire que ce que j’ai vécu. Ça m’a rendue plus forte. J’ai appris à apprécier les petites choses de la vie », conclut Jade.