La réinsertion sociale: un regard sur les déviances sexuelles

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La réinsertion sociale ne touche pas seulement les voleurs, les vendeurs de drogues, ou les personnes violentes. La déviance sexuelle est un crime qui demande souvent un long suivi de thérapie. Des auteurs de ce crime aux victimes d’agression sexuelle, la réinsertion sociale est un long cheminement menant au retour en société.

Selon le conseiller spécialisé multiservice pour l’Association canadienne pour la santé mentale Saguenay (ACSM) Gabriel Girard, le processus de réinsertion peut être difficile puisque les auteurs sont conscients de la vision négative que la société peut avoir à leur égard. Dans ce sens, un individu qui est passé par la réinsertion sociale à la suite de plusieurs mois de prison pour possession de pornographie juvénile nous a expliqué qu’il préférait ne pas témoigner étant donné que cela lui rappelait le long processus judiciaire de sa cause.

Deux personnes ayant été victimes d’agression sexuelle dans le passé ont aussi longuement hésité à témoigner avant de finalement refuser bien que l’envie de parler de leur histoire était présente. La pression et la peur de retomber dans les douloureux souvenirs expliquent ces décisions.

Un blocage psychologique autant pour les victimes que les déviants

Pour comprendre pourquoi il est aussi difficile de témoigner d’une agression sexuelle, il faut tout d’abord voir comment un traumatisme peut affecter la vision d’une personne face aux événements.

Selon le Washington Coalition of Sexual Assault Programs une victime d’agression sexuelle a de grandes chances de développer de la difficulté à faire confiance aux personnes qui l’entourent à la suite des évènements. De plus, il peut y avoir de la culpabilité puisqu’ils se remettent souvent en cause ce qui peut aussi mener à l’isolation. Ce sont pour ces raisons que les victimes sont souvent portées à garder leur histoire pour eux-mêmes.

Pour une personne aux prises avec une déviance sexuelle, le conseiller Gabriel Girard explique que le cerveau tente de rationaliser leurs pensées déviantes pour leur faire penser qu’ils agissent normalement ce qui fait qu’ils n’ont pas ou peu conscience de la gravité de leurs actes.

Plusieurs d’entre eux vont finir par se sentir coupables d’avoir ce genre de pensées ce qui fait qu’il est autant difficile de témoigner avant d’être passé à l’acte que de le faire après coup.

Une peur sociétale

Une fois le processus judiciaire passé, bon nombre de personnes ayant commis des délits sexuels en viennent à craindre les réprimandes que la société leur portera.

« Ils finissent à avoir peur de la société et des regards qu’ils vont recevoir. Ils ont peur d’être jugés, d’être mal compris ou encore d’en dire trop »
-Gabriel Girard

Du soutien accessible

Plusieurs organismes sont mis en place afin d’épauler et d’encadrer les personnes déviantes sexuellement. Certains agissent avec ces personnes avant que des actes ne soient commis, alors que d’autres agissent après les procédures judiciaires pour diminuer le risque de récidive.

Cependant, les individus qui souhaitent intégrer ces centres doivent le faire par eux-mêmes, sans être poussés par quiconque. On souhaite ainsi que ces derniers soient en mesure de se rendre compte qu’ils ont besoin d’aide.

Le Centre d’intervention en violence et agressions sexuelles (CIVAS) de l’Estrie et de la Montérégie, est l’un des organismes qui a pour but d’offrir des services aux personnes ayant commis ou ayant peur de commettre une agression sexuelle. La travailleuse sociale et psychothérapeute du CIVAS, Brigitte Fréchette explique que le processus qu’ils mettent en place vise à donner un soutien émotionnel à ces personnes aux moyens de rencontres faites en groupes ou parfois, individuellement.

Leur programme de groupe est divisé en quatre volets suivant une suite d’étapes logiques. Le premier, le «moi », concerne les schémas cognitifs et la gestion des émotions. Ensuite, il y a le volet «moi en relation», qui se concentre plus sur l’attachement que la personne peut avoir pour ses relations passées et actuelles. Puis, il y a la section «moi et la sexualité » qui touche le fonctionnement sexuel et la place qu’il prend dans la vie de l’individu. Finalement, il y a l’aspect nommé «moi et mon délit », où le groupe observe ensemble les facteurs qui ont pu les mener à l’acte de déviance qu’ils ont commis.

Les auteurs de ces crimes peuvent aussi être suivis par des criminologues, comme Clara Audoin et Pauline Delfini, qui travaillent pour le Centre d’intervention en délinquance sexuelle (CIDS) de Laval. Ces dernières ont le mandat d’accompagner les personnes qui ont eu des comportements sexuels problématiques ou qui présentent des fantasmes sexuellement inacceptables.

«Le but du suivi est de réduire leur souffrance émotionnelle, les responsabiliser et prévenir les infractions à caractère sexuel », expliquent les deux professionnelles.

À la suite de leur passage dans ces groupes, les personnes qui souhaitent continuer de prendre part à des séances peuvent entrer dans des groupes de thérapies comme celui offert par l’Association canadienne pour la santé mentale.

Dans ce programme qui dure un an et demi, les participants sont invités à chaque journée de thérapie à prendre part au segment «Comment ça va ? » pour ensuite se concentrer sur la thérapie.

Un travail d’objectivité et de patience

La réinsertion sociale d’individus ayant commis des délits sexuels demande beaucoup d’objectivité de la part des professionnels.

« La réinsertion sociale est un processus complexe à travers lequel plusieurs facteurs interviennent comme : les ressources internes des individus, l’entourage social, l’accès à des programmes, l’emploi, le stigma social, l’accès à un logement, les ressources financières… »

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