CHRONIQUE | Quoi, injection supervisée ?

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Les centres de prévention des surdoses. Six mots qui ont totalement capté mon attention. J’avais mille questions. Je suis allée sur le terrain, je voulais comprendre. J’étais loin de m’imaginer ce que j’allais découvrir. Le commis du dépanneur qui travaille collé à un bâton de baseball, le proprio de l’animalerie qui se chamaille avec les usagers et les bacs de seringues à l’infini.

En cherchant sur internet, les diverses plateformes définissent que les sites de consommation et de prévention sont des espaces sécuritaires et propres pour consommer des drogues. Quoi, ils les aident à consommer ?

Le commun des mortels pourrait se dire : « c’est sûr que si on leur donne la chance de se droguer, ils ne vont jamais arrêter ! » Dans ma tête c’était impossible qu’il n’y ait aucune logique derrière tout ça. Je me suis penchée sur le centre situé à Chicoutimi, La Baraque. Ce n’est pas le seul, il y en a quelques-uns, entre autres à Montréal et à Québec.

Premier arrêt

Lundi, mon objectif était d’aller voir de quoi avait l’air un centre de prévention des surdoses. Le site est situé sur la rue Tessier, près de la fameuse rue Racine. Au bon vieux centre-ville. J’ai marché et en arrivant à destination, j’ai figée. Ils étaient au moins une quinzaine à attendre devant l’immeuble. Sans préjugés, j’ai su que j’étais arrivée juste à l’allure décrépite du quartier et des usagés. Je m’attendais un peu à ça. Je me doutais que ce n’était pas localisé dans le secteur le plus favorisé de la ville. En attendant que « l’heure de pointe » soit passée, je suis allée voir les alentours.

Deuxième arrêt

L’animalerie Sébaste est située au bout de la rue Tessier à deux pas du centre. C’est le propriétaire de la place, Carl Perron, qui m’a accueilli. « Ils volent mes choses. Souvent ça finit en bagarre, je dois les pourchasser, confie-t-il. Ils font fuir mes clients, ils ont peur de rentrer quand ils les voient. » C’est à ce moment-là que je me suis dit que le centre ne faisait peut-être pas l’affaire de tout le monde. Jeudi j’ai eu droit sensiblement au même récit. « Ils volent le soir c’est effrayant, j’y pense d’engager un garde avec le temps des fêtes qui s’en vient », m’a expliqué la gérante du Dollarama à deux minutes du centre, Diane. Ces évènements-là ont-ils un lien avec le site de prévention ? « C’est sûr, les gens qui rôdent autour ont consommé, ils ne sont pas toute là », a-t-elle lancé.

L’heure de pointe était passée. Ils étaient deux ou trois étendus sur la galerie à discuter. J’ai monté les marches et une intervenante m’a fait entrer.

L’avez-vous, le frisson ? Moi je l’avais.

Ça sentait bon, les murs étaient blancs et les planchers étaient propres. Je m’attendais à tout sauf ça. J’ai eu droit à une visite guidée par la directrice générale par intérim, Stéphanie Bouchard. Elle m’a montré les installations. Mes yeux se sont rivés sur les bacs de seringues stérilisées, sur ceux des lingettes désinfectantes et sur les petits bacs jaunes pour le matériel souillé. Je me croyais dans un CLSC « pimpé ».

Les installations de consommation sont face au miroir pour permettre aux intervenants de superviser les usagers.

« On a distribué environ 115 000 seringues l’année passée, c’est évident que c’est essentiel », m’a confié la directrice.

Quoi ? 115 000 seringues ! Elle m’a expliqué que les gens viennent au centre pour se sentir moins seuls et qu’en utilisant les stations un processus de prévention était automatiquement enclenché. En somme, ils ne les laissent pas consommer, repartir avec du matériel et merci bonsoir. C’est encadré et supervisé. En marchant vers la sortie, elle a dit quelque chose qui a rallumé ma curiosité.

« On n’a pas eu de plaintes, ça ne dérange pas le voisinage », a-t-elle conclu.

J’en étais pas si sûre…

Dernier arrêt

Le dépanneur Le Relais Saguenay est à 100 mètres à pied du Service de travail de rue. Maxim Tremblay. Il travaille au dépanneur depuis environ un mois. Dans le fond, son bâton de baseball est là au cas où… Il m’a aidée à comprendre ce que je cherchais depuis lundi matin. « On a tous nos problèmes, toi, moi, eux, c’est sûr qu’ils brassent, mais ils ne nous veulent pas de mal », m’a-t-il confié. Ça a donné beaucoup de sens à ce que je cherchais depuis lundi matin.

Maxim côtoie la clientèle du centre de prévention des surdoses au quotidien à son dépanneur.

En parlant avec Maxim, j’ai compris certaines choses. Personne n’a le pouvoir de miraculeusement les faire arrêter de consommer. Ce n’est pas mieux justement de les encadrer ? J’ai réalisé que ces personnes-là veulent juste parler, elles veulent se sentir moins seules. Chose certaine, un entre-deux devra être déterminé pour le bien-être des animaliers, des casiers, des usagers et du quartier.

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