Véhicules en ruine sur les routes : aucun programme d’inspection en vigueur
Au Québec, des véhicules en mauvais état circulent sur les routes en toute légalité. Pourtant, plusieurs pays et provinces priorisent la sécurité de leurs automobilistes en imposant un programme d’entretien et d’inspection de voiture.
C’est le 15 décembre 2003 que la jeune Anabelle Deslauriers est subitement décédée à l’âge de 16 mois d’une intoxication au monoxyde de carbone. Elle était assise sur la banquette arrière de l’automobile de son père pendant qu’il s’affairait à déneiger le véhicule. La fillette a été exposée aux émanations du moteur en marche qui ont pénétré à l’intérieur de l’habitacle.
Moins d’un an après le drame, le coroner responsable du dossier, le docteur Rafaël Ayllon, a recommandé dans son rapport adressé à la Société d’assurances automobile du Québec (SAAQ) qu’une inspection soit obligatoire pour tout véhicule âgé de 7 ans et plus.
« L’expertise du véhicule a révélé que le plancher et le tuyau d’échappement de cette automobile étaient rouillés. En conséquence, le centre du tuyau d’échappement était fendu et le plancher était perforé à plusieurs endroits. Aussi, des vapeurs d’oxyde de carbone pénétraient dans l’habitacle par les perforations du plancher », a souligné le médecin dans son rapport daté du 7 août 2004 qui est resté en vain.
Une liste longue comme le bras
Plusieurs événements mortels comme celui de la jeune Anabelle Deslauriers ont défrayé les manchettes au fil des ans. Que ce soit la défaillance du système de freinage d’un véhicule dans lequel prenaient place une mère et sa fille à Montréal en 2003, ou la structure affaiblie par la corrosion d’une berline qui s’est scindée en deux lors d’un face-à-face ayant coûté la vie à un couple de Sainte-Félicité en 2002, tous prouvent qu’un véhicule en mauvais état peut s’avérer fatal pour ses occupants.
Faire cavalier seul
L’inspection des véhicules dits légers n’est pas monnaie courante au Québec, comme elle l’est dans plus de 80 endroits à travers le globe. En effet, seuls le non-renouvellement d’une immatriculation ou une infraction policière peuvent mener à une vérification mécanique comme l’explique le porte-parole du Service de police de Saguenay (SPS), Hervé Berghella.
«En tant que policiers nous pouvons simplement nous fier à l’aspect général du véhicule, parce que la corrosion n’est pas un motif primaire d’interception. »
L’absence d’examen pour les véhicules qui arpentent les routes québécoises laisse pour sa part perplexe le propriétaire du garage Station-Service Coté situé à Saint-Gédéon, Jocelyn Coté. « C’est près d’une ou deux fois par année que nous sommes obligés de contacter l’un de nos clients pour lui faire part de l’état critique de son auto. […] Mais la plupart du temps les gens sont insultés et ils continuent d’utiliser leur véhicule malgré notre avertissement. »
Pour le militant écologiste et président de l’Association québécoise de la lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Belisle, le modèle d’inspection automobile québécois est déficient. « C’est un gros zéro avec une barre! Le Québec est l’une des rares places dites avancées qui n’a toujours pas légiféré dans ce domaine.»
Pourtant, en raison de son climat nordique, le Québec est l’un des environnements les plus difficiles au monde pour tous types de véhicules. Sable, cailloux concassés, sels de voirie et calcium sont utilisés pour garder la chaussée praticable en saison hivernale. Mais de l’autre côté de la médaille, ces additifs accélèrent le processus de corrosion de tout engin routier. Un procédé qui, à long terme, vient même affecter la rigidité structurelle, les systèmes d’échappement, de freinage et de conduite d’une automobile.
« Toute corrosion vient à prendre de l’ampleur et peut aller jusqu’à affaiblir le véhicule et le rendre ainsi moins sécuritaire en cas d’impact », soutient le maitre-carrossier Jimmy St-Pierre.
Rappelons que bon nombre de propositions ont été faites par l’AQLPA et plusieurs autres mouvements au cours des dernières décennies. Nul projet n’a abouti.