Entrepreneurs de l’âge d’or : jeunes de cœur grâce à leur vocation

Le couple a commencé à travailler sur le projet du camping en 2018. Crédit photo : Virginie Mailloux
« Quand on aime ce qu’on fait, ce n’est pas travailler. Le temps passe vite et l’on n’a pas à se lamenter. C’est une passion, ça n’a rien à voir avec le travail », explique Jocelyn Villeneuve, un entrepreneur de 74 ans.
L’ikigai est une philosophie de vie japonaise qui date du 14e siècle. Composée des mots Iki, signifiant « vivre » et Gaï qui se rapportent à la réalisation de soi, elle constitue la raison d’être d’un individu, sa joie de vivre. Selon la pensée ikigai, les individus épanouis bénéficient d’une meilleure santé et vivent plus longtemps. Au Québec, l’âge moyen de la retraite est de 64,7 ans, selon l’Institut de la statistique du Québec, mais certaines exceptions prouvent que de continuer à travailler par passion est un incroyable anti-âge.
Le goût de l’ouvrage
M. Villeneuve et sa conjointe, Claire Tremblay, travaillent chaque jour à la réalisation de leur projet de retraite, un immense terrain de camping quatre saisons au bord de la rivière Saguenay. Leur quotidien est exigeant, mais ils ne l’échangeraient contre rien au monde. « On se lève de bonne heure, on se couche de bonne heure et on mange bien, on vit bien. On ne s’ennuie pas. Dire qu’il y a des gens qui ont le temps de s’ennuyer! Jamais est-ce que j’ai le temps de m’ennuyer », affirme Claire Tremblay. L’ancienne fleuriste de 70 ans s’occupe de la gestion du projet. Dans ses temps libres, pas question de se prélasser, elle passe des heures au métier à tisser. « J’ai toujours envie de faire quelque chose […] On est des gens actifs », ajoute-t-elle.

Avec une amie, Claire Tremblay tisse des serviettes, des couvertures et bien d’autres créations qu’elle vend sur place. Crédit photo : Virginie Mailloux
Attablée dans leur cuisine, j’ai demandé au couple s’ils connaissaient beaucoup de gens de leur âge qui menaient un train de vie similaire. En riant, Mme Tremblay m’explique que dans leur réseau social, ils sortent de la norme. « Les autres ils trouvent qu’on est des vrais fous, avoue-t-elle, quand on fait du bénévolat, on est toujours les plus vieux. Mais ça ne me dérange pas, je me sens jeune pareil. Le matin c’est juste quand je vois mon visage dans le miroir que je vois que je n’ai pas vingt ans. J’ai toujours vingt ans dans mon cœur ».
M. Villeneuve a fait carrière dans l’excavation. Lorsque le couple s’est connu, il y a une trentaine d’années, il avait sa propre entreprise et une centaine de salariés. Aujourd’hui, ils déplorent le manque de confiance et le jugement négatif que les jeunes professionnels exercent envers eux en raison de leur âge. Les démarches sont compliquées et obtenir du financement prend beaucoup plus de temps et d’efforts que prévu. Selon Claire Tremblay, ils ont pourtant tout ce qu’il faut pour mener leur projet à bien. « Le fait qu’on ait notre âge, on a l’expérience qui va avec. On en a vu d’autres. Eux autres ils s’enfargent dans les fleurs du tapis, mais nous on est capables de sauter par-dessus. C’est ça la différence ».
M. Tremblay estime que malgré les délais considérables auxquels ils doivent faire face, l’important est d’essayer d’atteindre leur objectif. « Même si on manquait notre coup, il n’y en a pas beaucoup des gens qui vont avoir fait ce qu’on a fait ».
« Je n’ai pas perdu le feu sacré »
Dans sa petite boutique rue Jacques-Cartier à Chicoutimi, Michèle St-Arnault reçoit chaque client avec un sourire chaleureux et un dévouement propre à tous ceux qui ont trouvé leur voie. Mme St-Arnault fête les 40 ans de sa friperie de vêtements haut de gamme. Elle y travaille seule, quatre jours par semaine. Le lundi et le mardi, elle ferme boutique, mais reçoit tout de même des clients-fournisseurs qui souhaitent vendre leurs vêtements. La femme de 68 ans travaille près de 60 heures par semaine. En tête-à-tête dans l’arrière-boutique, elle m’a confié que malgré tous ses efforts, les revenus n’étaient pas significatifs.
« C’est là que la passion rentre en compte. Moi je ne fais pas ça pour l’argent, je fais ça pour rendre service. Ça apporte de la joie à celui qui vient faire des achats et ça m’apporte de la joie, à moi ».

Michèle St-Arnault reçoit et sélectionne une centaine de morceaux par semaine, qu’elle rafraîchit, selon leur état. Crédit photo : Virginie Mailloux
Si la friperie est bien établie aujourd’hui, c’est parce que la passionnée de mode n’en a pas démordu en début de carrière. « J’ai de l’origine irlandaise […] et les Irlandais ils ont une tête dure. Ils ne lâchent pas le morceau, a-t-elle expliqué avec un éclat de rire, au contraire, les difficultés me donnaient du feu, l’envie d’aller de l’avant. J’ai toujours été comme ça, c’est mon caractère ».
Michèle St-Arnault compte exercer son métier tant et aussi longtemps qu’elle le pourra. Elle a toujours des projets dans sa mire et continue de cultiver sa jeunesse intérieure par l’entremise de sa vocation. Cette passion fait en sorte qu’elle se lève chaque matin et qu’elle accueille ses habitués avec un sourire franc. Tout comme Jocelyn Villeneuve et Claire Tremblay, elle a trouvé sa raison d’être, son ikigai.