L’industrie pharmaceutique n’inclut pas suffisamment de femmes dans ses études
Les femmes sont sous-représentées dans les essais cliniques depuis longtemps et plusieurs dénoncent le fait que ce manque pourrait avoir des conséquences sur la santé des femmes.
Charles-Antoine Desmeules
Une publication de l’Association of American Medical Colleges (AAMC) explique que les femmes étaient rarement incluses dans les essais cliniques avant les années 90. En 2019, les femmes ne constituaient que 40% des participants, toujours selon la même association.
La cheffe de service recherche et clinique spécialisée du CIUSSS Saguenay-Lac-Saint-Jean, Marie-Andrée Régis, explique que ce serait en raison des préoccupations liées aux grossesses. Quand une personne souhaite faire partie d’une étude, elle doit comprendre en quoi consistent les essais cliniques et accepter que des effets secondaires puissent en découler. Quand une femme souhaite faire partie d’une étude, elle ne doit pas être enceinte ou tomber enceinte durant toute la durée des recherches puisque des dommages que les chercheurs ne connaissent pas pourraient survenir au fœtus ou à l’enfant.
À ce moment, cela devient plutôt une question de sécurité ou de choix personnels, explique Mme Régis. L’essai clinique cherche à savoir si le médicament est efficace et sécuritaire, mais n’ira pas tester les effets qu’il peut y avoir sur le fœtus qui serait exposé au médicament. « L’objectif c’est d’être bienveillant et non malfaisant, donc si on ne connaît pas tous les risques associés au fœtus pour une femme enceinte, et bien ça ne serait pas éthique de faire de la recherche avec elle sur un médicament dont on ne connaît pas tous les tenants et aboutissants », ajoute Mme Régis.
Quand un médicament est prescrit, il est ajusté en fonction de la personne, peu importe son genre. C’est pourquoi Marie-Andrée Germain n’est pas inquiète du nombre d’hommes ou de femmes présents pendant les tests. « Moi honnêtement, je fais confiance au système comme il est actuellement. Lorsque la compagnie dépense des millions de dollars pour faire les essais cliniques, je pense qu’ils prennent en considération l’ensemble des paramètres pour s’assurer qu’une fois que le médicament est commercialisé, qu’il convienne autant aux hommes qu’aux femmes. »
Julie Gauthier, qui est pharmacienne chez Proxim Martine Gravel et Sara Michaud à Jonquière, n’est pas vraiment du même avis. Elle croit plutôt que les femmes devraient être représentées de manière équitable dans les essais cliniques pour obtenir « la vraie image » de ce que le médicament pourrait faire sur elles.
Elle peut comprendre qu’il y a du pour et du contre, mais la raison d’une possible grossesse n’est peut-être pas suffisante selon elle pour ne pas inclure plus de femmes. « Si on était dans les années 1920, ça serait autre chose, mais je pense qu’aujourd’hui ça serait l’une des seules raisons pourquoi la femme ne serait pas incluse dans les tests. Peut-être qu’ailleurs ce n’est pas la même chose, mais ici je ne sens pas que ce soit un enjeu. »
Dans une lettre ouverte affichée sur le Journal of the American Medical Association (JAMA), plusieurs professionnels croient par ailleurs que le sexe devrait être pris en compte et mentionné dans les résultats des études, mais aussi le genre de la personne.