Quelle est la place de la pesée dans les Cégeps ?

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L’indice de masse corporelle (IMC) est un calcul pour évaluer la forme physique qui comprend le poids et la taille d’une personne. (Photo: Étienne Meunier)

En 2022, une pétition totalisant 1000 signataires visant à abolir la pesée dans les établissements collégiaux a été déposée, en vain, à l’Assemblée nationale. Le professeur en éducation physique à l’Université de Sherbrooke, Jérôme Leriche, ne croit pas en l’interdiction de cette pratique à un moment où ses études révèlent que les Cégépiens sont moins en forme d’année en année.

Étienne Meunier

Etiennemeunier07@gmail.com

« Il faut en parler, mais il faut en parler de la bonne façon », explique M. Leriche au sujet du poids. Il détaille que les enjeux liés au poids sont bien réels et qu’il est nécessaire d’en parler. « À ce moment-là, tu commences à enterrer des sujets qui dérangent sans régler le problème. »

Jérôme Leriche a conclu une étude sur la forme physique des Cégépiens en juin dernier. « Près de 66 % des étudiants ne respectent pas les recommandations mondiales », révèle le professeur. Il nuance ses données en expliquant qu’« un écart se creuse entre les gens très sédentaires et ceux qui font plus de sports que nécessaire ».

« Ce n’est pas obligatoire de se peser, ça fait partie des outils qui existent […], mais nous [professeurs d’éducation physique], nous ne voulions pas l’interdire pour les personnes qui l’utilisent de la bonne façon », affirme M. Leriche. Le professeur explique que le poids est une donnée utilisée dans des formules d’évaluation de la forme physique. La plus populaire est l’indice de masse corporelle (IMC), qu’il admet être imparfait.

Le calcul du poids a été popularisé dans les années 1960 pour obtenir des formules objectives sur la forme physique d’une personne, d’après M. Leriche.

Aveugler par un chiffre

La pratique de la pesée dans les cours d’éducation physique au Cégep crée des problèmes d’anxiété et de troubles alimentaires chez certains étudiants, d’après l’organisme Anorexie et boulimie Québec (ANEB).

« La période la plus propice au développement des troubles alimentaires est celle de 14 à 25 ans », a rapporté ANEB, sur son blogue. L’organisme croit que l’utilisation du poids n’a plus sa raison d’être, causant davantage d’angoisse que d’apprentissage. « La pesée c’est devant toi, et ça te rend plus malade. Ça réveille la maladie, même si tu t’en es sortie », a soulevé une étudiante sur le blogue d’ANEB.

La nutritionniste spécialisée en sport, Catherine Gauthier, affirme que le « poids c’est très relatif et les gens sont contrôlés par le chiffre sur la balance ». Elle déconseille une pesée personnelle à ses clients pour éviter les obsessions, mais elle ne croit pas en son abolition. Selon Mme Gauthier, le poids est nécessaire pour établir des plans nutritionnels, il ne doit simplement pas s’immiscer dans les pratiques quotidiennes d’une personne.

Selon la nutritionniste, Catherine Gauthier, les Cégépiens sont dans une période où l’influence de l’entourage et la récente acquisition d’autonomie détériorent leur forme physique.

En 2017, la pratique de la pesée avait été interdite dans les cours d’éducation physique du primaire au secondaire, jugée impertinente pour des étudiants à la morphologie en constante évolution. Au niveau collégial, le ministère de l’Éducation supérieure, n’ayant pas ce pouvoir, s’en est tenu à des recommandations. Les orientations du gouvernement précisaient que la pesée devrait être facultative, faite en privé et provenant d’une initiative de l’étudiant.

Leriche croit que le problème vient d’une mauvaise façon de prendre le poids des étudiants. « Le fait de se peser devant tout le monde, ça n’a aucune valeur, en fait ç’a beaucoup d’inconvénients. » Le professeur supporte la recommandation gouvernementale avançant que la pesée devrait être faite dans l’intimité.

« Ce qu’on veut nous, [professeurs d’éducation physique], c’est de développer des bonnes habitudes de vie, mais si tu fais développer de l’anxiété à quelqu’un parce que tu le fais travailler avec son poids, tu es complètement hors de ta cible », explique le professeur.

Jérôme Leriche croit en l’importance d’enseigner le poids sous tous les angles. Selon lui, une bonne compréhension permettrait d’éviter les problèmes liés à un manque de connaissances sur le sujet, comme de se comparer avec autrui et de se fier uniquement au chiffre sur la balance.

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