Des experts s’inquiètent pour l’avenir de Saguenay

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Pierre Turcotte, enseignant au Cégep de Jonquière
Pierre Turcotte, enseignant au Cégep de Jonquière

Pierre Turcotte est enseignant au Cégep de Jonquière en sciences humaines et dirige le Club de politique de l’institution. Photo : Cassandre Baillargeon

Le recul de la représentation des femmes, le retour des identités locales et la baisse du taux de participation de près de 10% sèment l’inquiétude chez des experts en politique de la région à la suite des résultats aux élections municipales de Saguenay. Ces facteurs leur font craindre une plus grande division de la Ville et un conseil municipal moins représentatif de la population.  

Sur les 15 postes de conseillers municipaux à Saguenay, un seul a été comblé par une femme. En 2017, il y en avait deux. Pour la consultante en développement territorial et chroniqueuse à l’émission de radio « C’est jamais pareil » à Radio-Canada, Isabel Brochu, il s’agit d’un recul important. « Ça a des incidences, car c’est à partir du conseil municipal qu’on nomme les comités et les commissions [de la Ville]. Quand il n’y a que des hommes dans un conseil, ça veut dire qu’il y a encore plus d’hommes dans les comités et les commissions. »   

Pourtant, 15 femmes se sont portées candidates sur un total de 37 aspirants au poste de conseillers. Les politiciennes représentaient donc 41 % des candidatures, alors qu’elles ne représentent maintenant qu’un peu moins de 7 % du conseil municipal de Saguenay.  

Pour l’enseignant en science humaine au Cégep de Jonquière, également responsable du club de politique de l’institution, Pierre Turcotte, ce sont les guerres entre les arrondissements qui l’inquiètent. « Saguenay, c’est censé être une ville unie, mais on a vu dans le dernier mandat et même avant ça que c’est encore Jonquière, La Baie et Chicoutimi. » À son avis, avec une table de conseillers indépendants, les mêmes frictions seront de retour et l’unification espérée par la nouvelle mairesse, Julie Dufour, sera difficile à obtenir, surtout si elle exauce son souhait de mettre l’accent sur les identités locales.  

 Turcotte illustre son point avec ce qu’il a pu voir le lendemain des élections sur les réseaux sociaux. Une affirmation comme « Jonquière va tout avoir pour les prochaines années » a été suivie d’une réponse comme « Vous allez vivre ce qu’on a vécu pendant 20 ans! ». « On est déjà là-dedans et on est au jour 1 », observe le passionné de politique. Celui-ci renchérit en mentionnant la difficulté de faire grandir une ville dans de telles conditions. « C’est complexe de faire avancer les projets quand la municipalité ne se voit pas comme un bloc monolithique, mais plus comme un regroupement de petites entités. Ça fait qu’à chaque fois qu’il y a un projet qui arrive, au lieu de rassembler les gens, ça les divise. » 

Un avis partagé par Isabel Brochu : « Julie Dufour a dit qu’elle était rassembleuse, mais ça c’est ce qu’elle a dit, c’est un discours. Donc on verra dans les faits comment elle va réussir à faire ça. » 

Turcotte considère que la vision d’identité territoriale individuelle a un impact sur la participation au suffrage puisque dans cette guerre de clocher, plusieurs se sont dit : « Bon c’est Chicoutimi contre Jonquière, moi je suis à La Baie, on va encore subir. Il y a des gens qui vont se démobiliser pour cette raison-là », analyse-t-il.  

Selon les informations du bureau des élections de Saguenay, le taux de participation à l’élection municipale est de 46,42% alors qu’en 2017, le taux était de 56%. Pour l’experte en politique régionale, Mme Brochu, une telle baisse de participation qui se poursuit d’élection en élection est inquiétante puisque le « taux de participation, c’est l’indice d’un certain intérêt de la population pour la politique municipale. »  

La diminution d’électeurs signifie donc que les citoyens se sentent de moins en moins concernés par le pilier démocratique le plus près d’eux, ce qui représente un danger pour la démocratie étant donné que cela a un impact direct sur les résultats du vote. Isabel Brochu est d’avis que cela prendrait davantage « de projets de sociétés dans les programmes […] s’il y en avait, ça attirerait plus de gens.  

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